Il a abondamment plu durant la nuit jusqu’aux petites heures du matin. L’automne prend possession de l’horloge. Dire qu’un nouveau cycle commence serait mentir. S’il y a eu un commencement, il date de quelques années à la puissance plusieurs milliards. Je n’en connais pas vraiment le nombre. Il semble que, d’après les calculs des physiciens, l’univers s’éteindra, un jour, non pas dans un cataclysme incroyable, mais plutôt en s’étiolant pendant toute une éternité.
La présente saison ne tient pas le poids, mais puisque c’est ma préférée, mon cœur l’absorbe comme une feuille se fond docilement à la cellulose d’une écorce morte.
J’aime bien prendre mes vacances à l’automne. Je le dis chaque année, je me sens bien dans la lumière ondulée du passage vers le silence de l’hiver, comme si l’été, se sachant mourir, profitait une dernière fois, et fièrement, de sa vitalité.
Oui, les couleurs sont belles, à commencer par ce jaune si complémentaire à la verdure.
Profitant d’une accalmie tant de nuages que de pluie, j’ai décidé d’aller me promener, en commençant par le petit parc près de chez moi dans lequel je ne me mets plus souvent les pieds. COVID oblige ou parce que nous sommes en pleine semaine, peu de gens s’y promenaient. Le parc n’a pas vraiment changé en quelques années. Il offre suffisamment d’espace pour ne croiser personne et une petite allée toute en courbes traversée le temps de trois ou quatre réflexions.
J’ai rejoint par la suite le boisé Saint-Sulpice. Malgré une avenue bruyante longeant un de ses flancs, l’endroit parvient à rester calme. Plusieurs sentiers alambiqués le parcourent. Ce sont de simples tracés en terre ferme. Les arbres y vivent et meurent sans qu’il y ait apparence d’intervention humaine. Les branches tombent, les troncs se fendent, les champignons en profitent.
Le boisé n’est pas très grand, on en fait vite la traversée et on regrette aussitôt de retrouver le ciment d’un trottoir. J’ai fait demi-tour quelques fois afin de me replonger dans l’odeur tranquille et humide des chemins, à écouter le bourdonnement d’insectes – ou était-ce des batraciens ? –, à me perdre entre les corps asymétriques de la végétation qui abandonne, à observer aussi celle qui persiste, et signe le vert estival, à témoigner que ce qui se meure se voit absorbé par ce qui se vit.
Cette nature est un peu la même partout, la saison ressemble à celle qu’on aimait tant l’année précédente. Qu’à cela ne tienne. Ce qu’il y a de sacré dans la vie est qu’il nous est donné le privilège de sentir sa chaleur dans nos veines, au rythme des saisons, à travers les battements de nos cœurs qui se calment à la vue de cette patience qu’à l’univers de toujours recommencer.