Comme s’il était là pour adoucir notre angoisse, le printemps est arrivé tôt cette année. Nous avons encore eu droit à dimanche calme, rempli de la douceur qu’affectionnent les poumons.
Du moins ceux en santé. Il en va autrement dans les hôpitaux, chez les gens happés par le virus, ou pour les autres dont le destin s’effiloche à travers la hache d’un drame. Rien n’est moins évident que le bonheur et les malheurs.
Les passants étaient nombreux, dans la ruelle, à s’arrêter devant notre cerisier en fleurs, se prenant en photo contre lui.
Dans notre jardin, les arbres s’étirent, font éclater silencieusement leurs bourgeons, prêts à gober le soleil. Les insectes sortent également de terre, quelques-uns rôdent autour des premières fleurs. Les primevères sont déjà à mourir.
Observer cette apparente paix ramène à la fatigue accumulée par l’hiver confiné. On pousse un grand soupir de soulagement et on se promet de meilleurs jours sans pour autant se l’avouer ouvertement. Qui sait de ce que seront faits les prochains mois. Sommes-nous dans l’œil d’un ouragan ou aux pourtours d’une tempête qui s’affaiblit?
Encore une fois, mes doigts sur le clavier font comme ces branches endormies. Ma conscience, ma pensée, mon être, peu importe comment je le nomme, refuse les autres saisons, s’hallucine dans son printemps, s’habille d’autant d’étoffes qu’il y a de rêves, gonfle les voiles.
Or, dans ce théâtre, malgré les draperies, les décors et les idées, je demeure nu, fragile au moindre vent, regard, espoir.
Tout de même, ce printemps est beau. Je ferme lentement les yeux pour mieux les ouvrir, me contentant de l’instant éternellement présent.