Je lève régulièrement les yeux vers le ciel pendant que l’ordinateur travaille sur une tâche. Enclavé dans l’une des fenêtres, un arbre déploie sa ramure. Je l’ai vu verdir au printemps, je l’ai vu se mouvoir, tantôt mollement, tantôt follement, au gré de la chaleur et des orages. Je l’ai vu s’oranger et jaunir.
Il n’y a que lui pour me distraire, car les autres grandes fenêtres sont plus citadines. L’arbre offre un contraste tant dans le paysage urbain de ce quartier qu’à l’intérieur de l’immeuble où je travaille. Nous sommes rangés comme cet arbre dans sa fenêtre, possédons chacun notre cubicule.
Il s’agit de parallèles, non pas de réelles vérités. L’arbre n’est pas seul. Un parc, à peine plus loin, en est son prolongement. Sans doute parle-t-il à ses semblables à coups de bruissements, d’échanges chimiques ou, encore, sous la surface, par ses vieilles racines qui voyagent pour lui. De mon côté, le travail n’est pas si isolé. Mes coéquipiers discutent avec moi, je reçois des appels, je me lève, je vais à des réunions. S’il pouvait me regarder, l’arbre se dirait la même chose que moi. Il m’observerait changer lentement mes couleurs.
Je ne connais pas son destin. Il vivra peut-être encore de nombreuses années après que les miennes se seront transformées en poussière. Ou il sera abattu par une administrative voirie, ou par la pollution qui finira, de toute manière, par tuer l’humanité.
Cela a si peu d’importance. En ce moment, cette fenêtre est ma vie, je lève les yeux vers elle. Les saisons passent. Je respire calmement jusqu’au prochain vent, au prochain soleil ou à la possible tempête.