Je devrai traverser la ou les saisons avant de voir mon texte enfin publié. Je crois bien que j’ai dépassé le cap de l’impatience au point de devenir insensible au temps. Ce n’est pas que le projet n’avance pas. Tout le contraire. On m’a présenté la couverture et la nouvelle collection à laquelle le livre appartiendra. Je dois recevoir ces jours-ci le manuscrit officiellement révisé pour la dernière fois, du moins dans son format de traitement de texte. Par la suite, ce sera la mise en pages, puis la révision technique. Je devrai probablement fournir une photo, on me proposera le texte du C4 (couverture arrière). Ensuite, ce sera pour moi vraiment larguer les amarres.
Les libraires seront informés des nouveautés de janvier ou février (on ne m’a pas encore donné de date). Il y aura lancement, individuel ou collectif, une joie éphémère et pourtant bienvenue. Puis ce sera l’attente. Je connais ça, j’en ai vu d’autres et j’ai déjà refermé les écoutilles. Il est préférable d’attendre que le vent tourne, la tempête passe. Ça ne durera pas longtemps. Seule restera la fierté de cette sixième pierre blanche le long de mon petit sentier.
Entre-temps, pendant, et après se poursuivront les saisons. Je me suis remis à la marche, n’étant pas tout à fait bien habillé pour affronter à bicyclette les jours de pluie et de froid. Je me suis aperçu il y a quelques jours que les manches de mon manteau d’automne respiraient la misère. Je n’ai pas les moyens de m’en acheter un autre et ce manteau me tient encore au chaud. J’attendrai des jours meilleurs, sûrement l’automne prochain.
Dessous le manteau, j’ai revêtu un chandail à capuchon. Le manteau possède lui aussi un capuchon. J’ai l’air d’un vieux yo. Pas grave, je suis seul sur mon chemin. J’observe les arbres d’automne s’évertuer, encore une fois, à s’endormir dignement. De temps en temps, accrochés aux balcons, des momies, des squelettes et des toiles d’araignée artificielles. Ce sera bientôt l’Halloween. La ronde des fêtes burlesques commence. Je grince à chaque fois des dents.
Tu ne sais pas relaxer, pourrait-on me dire. Je ne le nie pas, tout comme je me reconnais dans le personnage principal de mon roman, ce Serj, aux racines incertaines. Je revoie bon nombre de personnages écrits dans ces textes, et ils parlent tous de la même chose: d’une ambiguité sociale entremêlée de paix et d’angoisse.
Tout donner donc, tout promettre, pour une bouchée de pain, une caresse ou un sourire. Tout donner à la vie, attendre impatiemment le jour où j’accosterai une terre nouvelle et où, de la forêt au loin, des yeux m’assureront que je ne suis pas seul au monde.
J’écrivais cela, en coda de La vie dure, titre probablement mal compris et sciemment ambivalent.
À défaut de comprendre, subsistent le luxe et délice de recommencer. Dernière phrase des Années-rebours.
Cela ne trompe pas, je ne fais que traverser les saisons. Tout le monde subit le même sort. Je suis l’un de ceux qui se croient obligés de le dire. Tout de même, c’est loin, janvier 2015…