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Buisson ardent

17 novembre 2023

J’ai soif, j’ai faim. Même rassasié, l’estomac me tenaille, les lèvres appellent au-delà des nourritures que l’on dit terrestres – ça je n’en manque heureusement pas –. J’ai soif et faim pour les régions de mon âme ballotées par un vent de Neptune, persistant, opaque comme un brouillard que l’on traverse à tâtons. Je n’arrive pas à me contenter du feu des jours. Il me faut également la glace de leurs nuits, les tempêtes de leurs matins et les lassitudes de leurs crépuscules.

J’ai besoin de toutes ces heures et espaces dans mon esprit. Je ne peux me complaire dans la satisfaction du temps de l’ordinaire, car je rêve tout en marchant.

J’entraperçois un buisson ardent que je veux en toucher les feuilles, goûter les fruits. Mais je sais qu’il ne s’agit là que d’illusions. La réalité est un automne aux feuilles friables.

Que faire alors de cet appétit qui n’en finit pas de languir? Il s’apaise pourtant quand je danse avec mes pensées, un pas devant l’autre, un, deux, un, deux, talons en premiers et chevilles volontaires. Je fais la paix avec mon estomac quand mes jambes avancent, quand mes yeux regardent et mes tympans absorbent les muses et les inspirations.

Je ne suis pas seul à m’énerver pour des passions, malheureusement inapte à vivre en diapason des autres et de la solitude de leurs harmonies. Est-ce moi qui m’enferme pour ne pas écouter?

J’écoute pourtant beaucoup en ce moment, au hasard des suggestions d’un abonnement musical, la beauté inventée par nombre de compositeurs contemporains. J’ai arrêté en même temps de prendre des cours de chant. Je pense vendre mon piano. Mes oreilles aiment le regard de mes mots. Mes doigts se rythment à ce que j’entends de partout. Je passe à autre chose ou je reviens à mon essentiel?

Faudrait juste que je gagne au loto afin de me délivrer du fardeau issu de ma paie. Je n’ai jamais eu le courage d’être totalement poète. J’emporterai peut-être ce regret dans ma tombe.

J’ai soif, j’ai faim. J’aimerais mieux prier. Buisson fabuleux et rouge devant moi, de quel dieu te chauffes-tu?