Comme des chimpanzés qui ne tolèrent pas leurs voisins, la planète humaine s’énerve pour ses frontières, ses prophètes, ses messies et son argent. Il en a sans doute toujours été ainsi, mais la modernité est la première capable de voir l’ampleur de l’agressivité, d’en observer toute l’échelle. Bien malin qui y verra là du progrès.
Le sang est le même, la souffrance se moque des histoires individuelles et ratisse large. On ne meurt peut-être plus de la peste, le cheptel des Hommes et des Femmes n’arrêtent pas non plus de se garnir malgré les massacres. On continue néanmoins sur la même lancée:
Il est bien sûr facile de ternir ainsi l’image de l’humanité, car elle fait aussi de grandes choses, surtout pour les gens du Nord et du Froid. Les autres peuvent bien sombrer dans leur malaria.
Il est tentant de n’y voir que du sombre, d’autant que, au final, par la lorgnette de notre petite personne, rien ne sert d’en faire un plat. Il y aura toujours un plus fort que soi, qui subjuguera son voisin pour une raison que l’on voudra darwinienne.
Durant ce temps, chacun vit ses petites blessures quotidiennes, arrondit son dos pour mieux absorber l’insulte d’un patron ou la froideur de la Providence.
Ce n’est pas tant de noir que j’y vois, plutôt une fatigue, une tristesse. Toujours cette obstination à vouloir vivre quand même, à goûter ce qui doit être goûté, à s’ouvrir le cœur malgré tout. À aimer bien sûr. À se coller à la peau de son amant, de son amoureux.reuse, de s’entêter à vouloir le bon tout en se méfiant tout de même un peu, beaucoup, car la vie est ainsi faite qu’elle se drape d’insensibles ombres.
Quand on devient vieux, on semble voir cela plus clairement, je me dis. Je prends davantage conscience du vinaigre et des maladresses de ceux et celles qui possèdent un quelconque pouvoir. J’accepte pourtant, fais silence, me dis absurdement qu’un jour, j’aurai peut-être ma revanche. Et il me faudra rire de cet espoir stupide.
Notre paix se vit en accord avec notre solitude, notre unique pensée. Il n’y a de bonheur que dans le souffle, dans ce mouvement du thorax qui nous enivre d’oxygène.
La planète finira par nous ensevelir, à moins que ce ne soit un soleil, un trou noir et simplement le manque de mémoire de l’univers.
J’aurais quand même souhaité que les prières de tout un chacun ne se perdent pas dans le labyrinthe des paroles et que, comme durant ce paradis qu’Adam et Ève ont évidemment spolié, la conscience universelle fusse demeurée rose comme une éternité divine.