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Quand je tomberai

19 novembre 2023

J’aimerais, quand je tomberai , qu’on m’enterre sous un arbre. Je pourrai ainsi nourrir la Terre.

Je lui dois bien cela; elle fut généreuse pour moi. Que ma chair et mes os soient pour elle une forme de pardon pour tout ce que l’Homme et la Femme lui ont fait subir depuis la première pomme.

Je ne voudrais pas qu’on me jette au feu. Qu’on me fige plutôt sous une forêt que je lui murmure par les racines tout ce que j’ai encore à dire. Si nous sommes éternels, c’est bien par l’offrande de nos atomes.

J’étais de la poussière d’étoiles, dit-on. J’y retournerai dans un millénaire. Je ne suis qu’un agglomérat éphémère de vie. S’ensuivra mon humble dispersion, ma muette mélodie.

Je me souviens. J’ai porté mon père, enchâssé dans son urne, jusqu’à l’autel de ses funérailles. Il était là, contre mon cœur, enveloppant mes sanglots. Ma vie avec lui continuait malgré les cendres. Ces paroles sont symboliques. Nous les ressentons toutefois comme de tangibles certitudes ou espoirs.

Ainsi, quand viendra son temps, ma mère souhaite être aux côtés de son amoureux, peu importe la forme. Elle se voit elle aussi enfouie dans un lopin de terre, préférablement non loin de ses ancêtres. Notre conscience, bien qu’immédiate, ne se résout pas au silence. Nos pensées et nos souhaits tissent un étrange et magique ADN.

Puisque je suis sans famille et sans descendance, que le sol ou l’air me serve de compagnon. Je ne serai pas là pour vivre ma mort, tout comme ma mort ne connaît rien de mon existence. Il y a peut-être matière à continuum, pourtant les parois sont étanches. Le mystère demeure entier.

On fera ce qu’on voudra de moi. J’espère pouvoir être ailleurs, même si je ne pourrai en avoir vent. Aux innocents les mains pleines. Et aux morts des galaxies comme sarcophages.

DALL.E