Les gens se marient encore de nos jours. Les moyens et les célébrations diffèrent, la promesse demeure toujours la même. Ils seront heureux, se disent-ils, autant dans le malheur que dans le bonheur. Ils traverseront le temps, bâtiront maison, érigeront des conforts, seront fertiles.
Le périple déraille souvent, le navire s’échoue, les noyades sont nombreuses. Certains s’unissent comme des aveugles, drogués par les convenances ou guidés par des faux prophètes. Il y a tous ces gens qui vivent mal leur vie, qui ne comprennent pas l’effort quotidien qu’il faut pour creuser, en sillon très profond, un seul Je t’aime.
Vivre est un art, le faire en compagnie d’un autre à ses côtés relève parfois de l’exploit, car nombreuses sont les personnes qui aiment sans recevoir, ou si peu. Ils sont légion à mâchouiller les miettes de leurs passions, n’obéissant qu’à leurs désirs, clamant leurs tourments. Légion aussi les amants trop peu guerriers qui se font arracher, sans combattre, la braise du coeur. Il y a tous ces paresseux qui ne tolèrent pas l’humanité et la mouvance des sentiments.
Cette grave promesse de s’aimer ne tourne pas toujours au blasphème, à la tragicomédie, à la clownerie. C’est un peu comme à la loterie. Beaucoup d’appelés, et rares les élus. Ils sont tout de même nombreux ceux qui, silencieusement, traversent les rivières, escaladent les montagnes ou arpentent à petits pas feutrés et heureux les sentiers du quotidien. Ils bâtissent maison, s’enroulent comme des chats dans une petite boîte domestique, peuplent la Terre, rendent heureux leurs enfants qui, à leur tour, poursuivent le tricot de la famille. Peut-être leur joie euthanasie leurs vérités, que les sacrifices et les aléas du destin nivellent les couleurs uniques de leur existence — ce seront surtout les célibataires éternels qui s’en feront juges — mais puisqu’il n’existe pas de tribunal final, seule importe la paix de leurs âmes.
Oui, cette promesse vaut bien toutes les grappes du paradis. Le grand paradoxe est qu’elle se nourrit à la source d’un vœu égoïste que les amants prononcent haut et fort devant une assemblée de convertis ou prenant seulement à témoin la chaleur de leurs corps entrelacés. Un vœu enflammé, intense que l’un d’eux accordera à l’autre en sacrifice ultime sachant qu’il ne pourra, lui, le vivre.
« Je veux mourir dans tes bras. »
Et pour celui qui survit, qui enterre son amant, il aspire encore au bonheur et se promet, au dernier souffle, de se lover dans le souvenir des regards passés et des caresses autrefois chéries.