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Chicot

23 septembre 2023

L’an dernier, à pareille date, la Ville plantait devant chez moi un nouvel arbre qui en remplaçait un autre coupé quelques années plus tôt. Mes amis copropriétaires et moi l’avons tout de suite surnommé Chicot, notamment parce que c’est le nom de son espèce, Chicot du Canada, mais aussi parce qu’il était bien maigrichon.

Nous étions tout de même contents de le voir arriver là, car le Gymnocladus dioicus est réputé donner à maturité un bel ombrage. Cependant, son allure nous laissait perplexe. Vu sa maigreur, on se demandait bien quand il pourrait nous offrir le couvert souhaité.

Il faut être patient avec les arbres. On ne peut pas leur tirer sur les feuilles ou tant nourrir leurs racines pour qu’ils puissent pousser plus vite, principe universel qui enjoint à la patience en toute chose. Le meilleur rythme est celui imparti à chaque être, qu’il soit une bactérie ou une baleine.

Comme il fut planté au début d’automne, Chicot perdit évidemment ses feuilles à la fin de la saison, révélant encore davantage ses fragiles os. Il passa, comme tous ses congénères, l’hiver sans trop demander son reste.

L’éclosion de ses feuilles fut tardive au printemps. J’ai été soulagé de voir poindre les premiers bourgeons alors que les autres arbres étaient déjà tous bien verts.

Nous voilà ainsi un an jour pour jour après sa plantation. Je me suis dit qu’il serait amusant de témoigner de sa croissance en prenant une photo à peu près sous le même angle.

Il me semble que Chicot avait pris du mieux, qu’il en menait plus large. Eh bien! Pas tant que ça. Il n’y a pas de nouvelles branches. L’arbre semble encore plus clairsemé... Dur, dur être au bord d'une rue passante?

J’ai, je crois, le temps de vendre la maison avant de pouvoir bénéficier de la fraîcheur de sa couverture. Je vais plutôt calmer mon impatience en achetant un climatiseur central.

Longue vie à Chicot tout de même. J'espère qu'il pourra longtemps me survivre, humble lignée d’une végétation qui était sur Terre avant nous et qui le sera certainement après que nous nous soyons tous éteints par asphyxie ou sous les bombes.