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2 mars 2017

L’hiver est d’un aléatoire. Hier, au sortir du bureau, l’air sentait le printemps, voilé comme une précieuse dans un châle de brouillard. Je fus attiré par le contraste doucereux du parc Jarry. J’ai observé pendant un temps de jeunes amoureux qui dérangeaient la quiétude toute relative de l’endroit. Le boulevard Saint-Laurent n’était en effet pas plus calme que d’habitude, mais les arbres, eux, oh, semblaient s’abreuvoir à l’humidité prometteuse.

Ma journée avait été fort occupée, je pourrais prétendre que je ne l’ai pas vue passer. Ce serait mentir. Mes jours, je les vois commencer, finir et entre une tâche et l’autre, je m’observe respirer, m’appesantir, penser. Je rêve, il me semble, beaucoup, je me lève souvent durant la nuit pour uriner, ou prendre un verre d’eau, vivant par procuration une manière d’angoisse ou de je ne sais quel brouillard.

Ce jour-là, à l’orée de mon cinquante-huitième anniversaire, je me suis imprégné du calme Van Gogh d’une flaque d’eau. Ce sont des moments précieux, presque intangibles.

Aujourd’hui, j’ai eu droit à des gentillesses, tant au bureau que de la part de mes amis proches et lointains. En brésilien, et je crois dans d’autres langues, on dit félicitations, comme si vieillir relevait de l’exploit. Je ne pense pas avoir plus de courage que d’habitude. Vivre, ça se fait bien tout seul.

Ce fut tout de même une journée ordinaire, comme il se doit. Le vent s’était levé durant la nuit. Ce matin, l’hiver avait repris ses droits, poudreux et ensoleillé. Rien de neuf, donc, sur la terre ronde. Le brouillard d’hier me hante. Je suis immobile et assoiffé de couleurs et de sensations.

Je vieillis, je deviens frugal. Cela me suffit. Nouveau bonheur.