Le sort en est jeté, comme aurait dit l’autre. Le manuscrit final est entre les mains de VLB, le tout envoyé vendredi matin, par courriel. J’ai cherché les bonnes phrases, le bon ton pour décrire ce que j’avais fait, rassuré l’éditrice que je n’avais pas bousculé le texte, mais seulement passé l’émeri… lui expliquer que cette démarche avait été entreprise avec l’aide de Périg avant que je reçoive leur accord, qu’à partir de maintenant, je n’interviendrais sur le texte qu’à leur seule demande, etc.
J’ai envoyé.
J’ai espéré un accusé de réception qui n’est pas arrivé. Pour un peu, je me remettrais à angoisser. C’est dire le mal que l’Internet a fait au temps, devenu quantiment abstrait.
L’éditrice n’était peut-être tout simplement pas là, hier, fut débordée, avait des réunions, je ne sais. Et peu importe. Je me redis que le texte ne sera publié que dans un an, qu’il y a tant de choses qui pourraient survenir, en commençant par le plus terrible ou le plus anodin. Où serai-je dans un an, que seront mes pensées?
Quoi qu’il en soit, j’ai été heureux de relire Les Mailles sanguines. Le texte plaira, je crois. Il raconte une histoire qui n’en est plus une à la fin, aura tâté de l’universel, parlé abondamment d’amour et de colère. Ce roman ressemble à l’Effet Casimir sur plusieurs points, s’en démarque cependant en ce qui a trait à l’exploration des personnages, le ressemble, par exemple, sur les trahisons amoureuses, les passions, la sexualité, s’en démarque parce que, dans Les Mailles sanguines, les scènes sont plus directes. Plusieurs voix dans le texte alors que celle de l’Effet Casimir n’était que celle de Marthe.
Quelques « caméos » toutefois qui font le lien avec les deux romans précédents. Le notaire, c’est encore le beau Victor des Années-rebours, son acolyte toujours cet amant qui aura provoqué la séparation d’avec Rémi. Marthe est nommée une fois. La Héloïse des Mailles sanguines fut l’une de ses patientes. Rose est un peu Lucienne, mais en moins bouffon, plus humaine, je dirais, personnage inspiré par une de mes tantes.
Mais surtout, l’univers est un peu le même. La ville de Montréal flanquée au nord du Québec, là où le fleuve est plus large, là où Montréal aurait dû être pour être vraiment enracinée dans le Québec.
D’ailleurs, on m’a dit, chez VLB, que ce roman était bien ancré dans le contexte québécois. Là s’arrête la ressemblance. Serj, le personnage principal s’est exilé à Vancouver (qui n’est pas nommée), et les autres enfants habitent des villes imaginaires.
Tout est, en fin de compte, imaginé. C’est ma façon de vouloir atteindre, aspirer, aux grands thèmes. Et je suis en quête dorénavant d’une autre histoire. Je pourrais parler de ma vie amoureuse puisque l’amour semble être le thème de mon écriture. Mais comment en parler sans avoir à nommer, sans passer pour un voleur d’existences, sans blesser, sans aduler ?
J’ai de la matière plein les mains. Ma chorale et ses multiples hommes dont je connais si peu la vie, mon cours de chant et son professeur, mes amis du rez-de-chaussée, les centaines de gars que j’ai abordés sur Internet, ceux qui sont venus se faire photographier chez moi, ceux que j’ai rencontrés autour d’un café ou d’un baiser, et puis les milliers de regards que j’ai croisés dans la rue, dans le métro. Partout.
Je ne veux pas être un fonctionnaire du quotidien, je ne veux pas m’enfermer dans des rituels horaires, spirituels et sociologiques. Je veux continuer à être inspiré. Je veux chanter ce sacerdoce qu’est ma vie.
Surtout que rien ne s’arrête.