en

Conquérir le mur

1 mai 2021

En nous, existerait un monde aussi vaste que l’univers. Ironiquement, malgré les pouvoirs de l’esprit, nous semblons ne le parcourir qu’à pieds. Tout juste dans les rêves arrivons-nous à transcender les régions qui nous habitent, peuplées de monstres et de possibilités. Durant ces courtes escapades, la peau des amants goûte le miel et les angoisses nous poussent à l’aventure.

Au quotidien, le pas est un peu plus frêle, l’envie est frugale. Le parcours est feutré par de bonnes intentions. Nous ne sommes pas aveugles, mais notre course n’en est pas moins guidée par des œillères. Chevaux, nous aimerions être, les quatre sabots mordant à vive allure le sol.

Dans ce monde, en ce nous qui nous échappe, les frontières n’existeraient pas. Il suffit de s’ouvrir aux rêves, de les écouter quand ils bouillonnent, à la surface de la conscience, pour apercevoir toutes ces épaves échouées durant l’enfance sur le semble maintes fois léché de nos envies. Il suffit de se pencher et de saisir ces coquillages qui, portés à l’oreille, nous renverront l’échos de ce que nous sommes.

Dans ce monde inaccessible au jour, j’ai visité les corps des oiseaux, des vipères, des hommes et des femmes. J’ai goûté aux lèvres de la vie, tenté de m’y fondre à coups d’orgasmes. J’ai chanté comme une amibe parmi les abîmes et je crois que j’y chante, j’y chanterai toujours si j’arrive à contourner les murs qui m’empêchent de voir l’horizon, les mondes, le mystère.

Vieillir ne consiste pas à abandonner l’esprit de sa jeunesse, mais d’entourer ses pensées de clôtures que l’on veut solides, bien garnies de plantes et de fruits. C’est une étrange volonté puisque la nourriture semble plus abondante de l’autre côté de la barrière, là où les racines peuvent s’abreuver à ce que nous ne connaissons pas.

Bien vivre sa vie consisterait à ne rien s’interdire du fertile, à plonger son sexe dans la chaleur utérine de son âme, d’être aussi ce placenta accueillant, cette caverne de tous les instants.

Il ne faut donc plus rien regretter, ne plus se fier aux ombres de nos échecs. Il faut toujours se relever, marcher pieds nus au-delà de notre passé. L’herbe est toujours plus belle de l’autre côté du temps révolu, fraîche et nourrissante. Quand le moment reste présent sur la peau de tambour vibrant sous nos doigts, les poumons rient, le son est clair comme l’enfance.