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La flamme obstinée

11 mai 2021

Il n’en faut qu’un peu pour que je m’enflamme. Cette ardeur me surprend au moment qu’elle éclate tel un volcan impatient. Il suffit d’une pincée de désir, d’une image impossible et je me retrouve à trembler comme aux premières amours. Ce que j’étais incontrôlable alors ! Un rien déclenchait les mauvaises vannes. Je perdais les fluides de ma conscience comme on libère une vessie trop pleine.

J’ai pourtant l’habitude de penser que j’ai mûri ou que je n’ai plus l’âge de ces soubresauts. Les saisons ont passé leur râteau. On a maintes et maintes fois taillé mes aspirations. Ma voix, forte et incontrôlée, s’est longtemps contentée d’un printemps de paille. Saturne, comme pour nous tous, a pris trente, soixante ans pour régir les jardins. Mon professeur m’a cueilli quelque peu éteint et, depuis, cherche à raviver la rivière de mes trémolos…

Il suffit d’un peu de poivre, d’une parole épicée, du grincement tectonique de mon cœur pour que le corps s’éprenne soudain, l’esprit enivré au point d’en avoir le souffle acéré, l’estomac noué. La flamme, la dangereuse et joviale, parvient encore à fumer même dans les eaux profondes. Je pourrais redonner mon âme à un petit diable qui ne ferait certes qu’une bouchée de mes pauvres chairs. Le feu, le sang qui se cogne à la peau des tympans, à l’oreille de mes idées, tout est excuse à la pyrotechnie, à la dangerosité d’une poudrière.

Cela finira sans doute par m’épuiser et me tuer. Qu’importe la durée du repas et du plaisir puisque renoncer à la vie sera mon dernier désir et blasphème, mon dernier air que je chanterai, grisé par une quelconque morphine.