Encore une autre saison. Déjà une moitié d’année accumulée derrière la cravate. Le printemps nous a finalement livré l’été et les choses vont rondement pour moi. Intensément aussi. Ai dans le cœur des émotions contradictoires comme si le bonheur découlait d’une suite de réflexions et d’actes interchangeables. Ai rencontré dans la rue mon éditrice. Elle me confirme que le roman sortira cet automne, mais qu’elle est en retard. Elle était accompagnée de ma future attachée de presse, me fit part des réactions élogieuses d’une stagiaire qui aurait beaucoup aimé ce que j’avais écrit. Tout va donc pour le mieux de ce côté. Que c’est long, tout de même... Déjà l’été et pas une épreuve de première sous la main. En plus, ce sera le temps chaotique des vacances. Aura-t-on le temps de mettre sous presse pour l’automne ?
Il me faut chasser rapidement ces questions, les livrer en pâture à l’oubli.
Du côté boulot, tout va aussi rondement. Moi qui doutais de mes capacités, j’ai obtenu une belle reconnaissance de la part de l’employeur, qui s’est traduite par une généreuse augmentation de salaire. Oh ! Je ne serai pas encore riche, les nuages financiers planent toujours au-dessus de l’horizon. Mais tout de même, un souffle nouveau se confirme. Cette année sera belle...
J’ai hâte que l’automne arrive, vis l’été silencieusement, les doigts pianotent d’impatience.
Du côté coeur, eh bien, c’est compliqué, c’est beau, profond, et totalement inavouable ou, à tout le moins, difficilement raisonnable. Que j’explique ? Et si j’en faisais un beau roman ? Mon chair ami en serait le titre. Certains connaissent déjà cette histoire, d’autres en vivent probablement de similaires, de ces amours qui n’entrent pas dans les normes, de ce poison enivrant d’être prisonnier, voué à la chair et l’âme d’un autre. J’emploie de grands mots pour parler d’un banal triangle amoureux qui dure depuis six ans, une histoire que je ne raconte pas beaucoup, car on dit, dira que j’ai tort, une histoire qui, parfois, m’étouffe, je m’en confesse, car je suis, au final, un homme libre. La fin des Mailles sanguines en est l’ultime explication. Cet amour que je ne veux pas encore raconter me ressemble, est à la fois la démonstration que je ne suis pas fait pour la vie ordinaire et, tout à la fois, fait pour fusionner dans le terreau ordinaire de l’amour. C’est bourgeois. Françoise Sagan et moi, un peu le même combat.
J’ai tenté, il y a quelques semaines, de vivre autre chose. Je me suis vite rendu compte que, non, je n’étais pas prêt à tout recommencer de ce côté. Il n’est pas facile d’aimer, si facile de baiser. On n’abandonne pas un être que l’on aime sous prétexte que d’autres pourraient vous aimer, et de manière plus ouverte. On doit vivre ce que l’on veut vivre, établir la part des choses et se moquer du reste.
Je lance ici des phrases, mais j’admets volontiers que tout est confus sans que j’aie le désir, pour le moment, de clarifier les choses.
Je le redis, j’ai entrepris un grand virage l’automne dernier. Il s’agit d’un mouvement tectonique lent, inconsciemment mesuré. Dans un an ou deux, le grand Neptune deviendra dans mon ciel une force majeure. C’est flou, Neptune, spirituellement grandiose ou alcooliquement dangereux. C’est dire toute ma volonté de communier avec la vie...
Ah ! ah ! Il faut bien en rire ! Communier ! La vie ! J’ai pourtant tant de mal à rester tangible et incarné. Je passe, ces semaines-ci, mes week-ends à rester a u lit, à jouer au Scrabble, à m’inventer des histoires en Espagne, à mal dormir aussi. La nuit demeure encore un mauvais rêve.
M’enfin. Il fait chaud aujourd’hui. Il est 16 h 50. Suis allé voir l’exposition Fabergé accompagné de ce chair ami, me suis acheté par la suite des pantalons courts. Chez Simons, nous n’étions pas le seul petit couple masculin à magasiner... Lors de notre retour, un bel Andalou nous a demandé son chemin. Je l’aurais bien suivi. Ensuite, j’ai dormi, demeuré nu dans mon lit, puis joué à Machinarium, me suis botté le derrière pour écrire ce billet, je dois répéter aussi mon chant, ah! mon chant ! Une autre belle aventure...
Curieux tout de même cette richesse en moi et aussi cette douceur aigre de l’inquiétude. Fascinante énergie infatigable de ma cervelle qui ne cesse de me causer des brûlements d’estomac, de l’acné, du psoriasis et même des hémorroïdes. C’est bien moi ici, le sublime et le terre-à-terre. Je rêve d’insondable et j’ai quand même mal au cul.
Allons sous la douche, gardons un peu silence, écoutons la vie, ou son absence, tendons l’oreille vers ce bruit de fond qui n’est autre que l’Absurde de tout cela.