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Froid

5 décembre 2021

La poésie ne peut être la même, malgré le présent qui conserve la saveur de son éternité. Le froid s’est installé. L’air demeure humide et nos peaux n’ont pas encore appris à fermer leurs pores. On frissonne à marcher, on se dit qu’il faut remplacer le manteau d’automne par quelque chose de plus adapté.

Quelques feuilles mortes semblent posséder encore un peu de souffle, mais les autres se sont bel et bien ossifiées, fragmentées. Certaines plantes paraissent résister. La neige et la glace finiront par les avaler.

Notre oreille n’est pas conçue pour les entendre. Elles gémissent peut-être, mais cela m’étonnerait. Leurs racines demeurent bien vivantes, emmitouflées dans le sol, hivernantes et dociles, en attente d’une meilleure obliquité solaire.

Les peuples du Nord ont d’habitude la couenne dure et savent composer avec la saison. La pandémie, cet autre hiver, les a sans doute fragilisés. On dit que les suicides, ratés ou réussis, augmentent. Les âmes sont fragiles, après tout, en hiver, car il est difficile de composer avec les heures quand celles-ci ne se comptent qu’à l’intérieur de quatre murs de prudence.

Il y a certes des misères plus grandes sur la planète. Des volcans qui explosent sur des huttes en paille, des dictateurs qui égorgent les pensées trop bruyantes, des bigots qui lynchent ou brûlent de supposés infidèles.

Il y a a contrario des bonheurs constants, des gens qui s’aiment, des coeurs qui pavanent, des gens qui dansent, qui chantent obstinément.

On ne connaît le froid que parce qu’on se remémore la chaleur. Notre bonheur appartient à nos visions et à nos perceptions. Le défi de cette espèce humaine est de se bâtir un unisson dans le respect du reste de l’univers. Pourquoi semblons-nous si loin des réponses que nous partagions autrefois avec les oiseaux et les dinosaures?

Tout peut être sujet à philosopher. Je n’ai pas besoin du froid pour m’y contraindre. Mon souffle, mes racines, tiennent bon en attendant une plus simple lumière.