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La richesse du moment

13 décembre 2012

Je continue de chanter, suis sorti, hier soir, heureux de mon cours. Je ne sais si j’avance vraiment, mais cet apprentissage est dans l’air de mon temps, cadrant fort bien dans cette saison de ma vie.

Mon professeur me faisait pourtant la remarque, hier, que je ne semblais pas tout à fait là, que je ne mettais pas autant d’entrain ou que ma voix était éteinte. Je lui ai proposé que je luttais, et c’est vrai, contre un rhume, ou contre les maux qui courent, que j’étais un peu étourdi. Il m’a répondu de profiter de ce déséquilibre pour avancer. J’ai ri. Si vous saviez, monsieur le professeur, comment en moi, se meut un océan synchrone avec le vertige, les bonheurs et les angoisses.

J’ai commencé la lecture de Phi du bellâtre et articulé Tononi. Est-ce justement de la synchronicité si mon professeur me parle d’Antonio Sacks (Musicophilia) alors que cet auteur figure en couverture quatre du livre de Tononi ? Vincent est-il simplement allé voir, hier, la page d’Amazone inscrite sur mon profil Facebook et qu’il y aura reconnu cet auteur ? Je ne sais, je me plais de jouer avec la coïncidence.

Mon professeur m’a répété hier que chaque note, même en exercice et en travail vocal, devait être chantée comme si elle était de la plus haute importance. Cette dame Carel, dans son livre Illness ne disait-elle pas la même chose, comme l’avait enseigné auparavant Bouddha, que le moment présent est le seul qui importe puisqu’il est à la fois le passé et le futur, qui ne sont que des inventions tissées par la conscience ?

Il est vrai que, lorsqu’on se concentre sur cet ineffable moment, tout devient plus clair, plus innocent, terrible, vrai, honnête, cruel et paisible. Il est vrai que je trouvais mes amis choristes bien éparpillés, mardi dernier. Je voulais leur exprimer ce que je ressentais à chanter, voulais leur dire que s’ils se donnaient un peu plus (ce qu’ils peuvent chanter apeurés !), leur voix ferait de belles choses.

-- Il faut se taire, surtout ne rien dire, n’est-ce pas ? commenta Vincent à qui je racontais la chose.

-- Il faut se taire, aurais-je pu répondre honnêtement, car je ne suis certain de rien.

Vincent aurait certainement grimacé de désaccord, tout en souriant, de cet air de dire une chose qu’il a longuement réfléchie.

-- Eh bien non, tu as découvert quelque chose, je crois.

Il est vrai... Même si je suis loin d’avoir atteint ne serait-ce que la première marche d’un réel apprentissage, je redécouvre, dans ces leçons de chant, une certitude d’être bien en chair et vivant. S’affirme en moi une volonté de ne pas me taire, de le faire sans attendre, et sans l’approbation des autres. J’attends, certes, une réponse d’un éditeur, je réagis, bien sûr, jalousement en voyant, à la télé, un éditeur qui a refusé mon manuscrit. Je suis ce que je suis, maladif à m’exprimer. J’attends, certes... et je chante, je dresse mes antennes.

Je ne suis qu’un atome dans l’univers, un minuscule champ magnétique, une simple note à peine volcanique. Pas étonnant que je sois pris de vertige, car tout me semble possible.

L’hiver arrive, ce n’est qu’un passage. Mon bonheur survient, j’en rends grâce le moment présent, car je ne peux prier autrement.

Je fredonne comme le fait Rose dans Les Mailles sanguines. À défaut de comprendre, il faut faire comme la cigale et la fourmi. Chanter et besogner.

Mon professeur m’a donné une autre pièce à apprendre. Come away, death. Chanter ou être en psychothérapie, c’est à peu près la même chose.

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