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La sécheresse de nos fantasmes

26 décembre 2023

Il est tentant et aisé de se perdre dans l’illusoire des créations issues de l’intelligence artificielle. Cela est également frustrant. On a beau décrire le mieux que l’on peut sa vision, les robots n’en font pour ainsi dire qu’à leur tête.

J’ai demandé autant à DALL•E (offert gratuitement par Bing, donc sans véritable contrôle) et à Midjourney (forfait payant) de me décrire un homme, un genou par terre, drapé d’un voile sur lequel sont inscrits des symboles. L’homme devait être devant un vitrail reproduisant des figures astronomiques dans un temple en ruine.

Ne pas demander à ce que l’homme soit nu. Oh non! La belle nudité, même discrète, ne fait pas partie de la morale inscrite dans les circuits de ces robots. Je peux bien sûr comprendre pourquoi, même si cela est dommage.

Généralement, DALL•E est plus fidèle aux instructions de base. Quant à Midjourney, il (ou elle?) ne s’occupe que du grand thème. Cependant, Midjourney offlre la possibilité de choisir et de modifier des régions de ce qui a été produit. La plateforme utilise la tribune Discord, ce qui nous permet de voir les créations d’autrui. Beaucoup de bruit parfois pour rien.

Dans les deux cas, les images peuvent être belles ou totalement dénuées de sens. Elles font souvent aussi rêver. Je m’y accroche, je pars en vrille, délaisse le présent pour en occuper un autre.

L’idée d’un temple en ruines, pourtant occupé par des moines studieux, m’obsède un brin… Je ne demande jamais d’illustrer de femmes, car en instruisant les plateformes, je n’y envoie pour le moment que mon âme limitée, centrée sur mon petit monde.

Le ciel est la limite ici, comme disent les Anglais. La production est abondante, éphémère, sans lendemain. J’ai peut-être vécu dans un de ces monastères d’une autre époque, dans une autre vie, si autre vie il y a eu. Un genre de fantasme de silence et d’abandon.

Toutefois, la frontière de ce que je peux obtenir est probablement à la mesure de la force de mon imagination et de ma culture générale. En regardant défiler les descriptions faites sur Discord, je me rends compte de la complexité vertigineuse des styles et des manières de faire. Les artistes ont-ils davantage de plaisir à générer des images qui les satisfont?

J’utilise des outils gratuits ou à la mesure de ma bourse. J’imagine qu’il y a des endroits où les splendeurs artistiques de véritables jeunes créateurs et créatrices alimentent les circuits de cerveaux cyborgs. Mais la drogue est la même au final? Tôt ou tard survient la sécheresse de nos fantasmes.

Si cette effusion d’imaginaires pouvait souffler la paix dans l’esprit des Hommes et des Femmes…

Toutes les images de Bing DALL•E sauf la deuxième de Midjourney