Je serais fait de cristal que je n'en demeurerais pas moins opaque à vos yeux. Je serais fait de basalte, mes lèvres figées dans le silence que je n'habiterais pas moins un jardin brumeux, en floraison sans cesse renouvelée. Je serais fait de fils électroniques que cela ne m'empêcherait pas de vouloir être sage et immobile ou de fomenter ma prochaine faim, boire mon immédiat plaisir.
Je suis sans actes. Non, je suis sans gestes. En réalité, j'ai beau vouloir comprendre, je ne sais comment décrire ce qui ne semble pas pouvoir se décrire. Je suis fait de contraires et de possibles complémentarités. Je suis noir ou rouge, je suis salé ou sans goût, je suis envieux ou dépourvu de désir. C'est bien là la magie de Neptune qui, dans sa vieille peau divine, s'amuse à dissoudre mes certitudes.
J'observe le roulement des planètes. Leurs danses me rassurent et m'enjoignent à la discipline, car je ne peux rien face à leur gigantisme. Mon être s'immobilise dans ce présent déterminé, électrifié.
Les prophètes et les astrologues sont nombreux à se faire Cassandre, à nous faire comprendre qu'il faudrait s'extirper de notre paresseux fatalisme. Nos pensées n'ont-elles de réelle appartenance que dans l'orbite de notre conscience ou pouvons-nous communiquer entre nous malgré le maelström de nos individualismes?
Je serais fait d'une chair réincarnée que mes anciennes ivresses ne pourraient s'évader de leur passé. Il se peut que nous ne soyons après tout qu'un seul atome immensément décuplé. Et nous cherchons à tâtons notre solitaire origine.
Je ne parviens pas à conclure quoi que ce soit. Je demeure surpris. En vie. Peu importe ce que je serai.