J’ai encore bouffé un livre en deux jours. Mes vacances qui s’achèvent pourraient se résumer en dormir, lire, manger, lire, dormir. J’ai quand même lavé les fenêtres de la maison en prévision de l’hiver qui les fermera toutes. J’ai aussi vécu avec mes voisins, comme à notre habitude. Une série Netflix ou Apple+ sous les yeux, des rires et des ragots. J’ai aussi aidé l’un deux avec un problème de page web. J’ai fait mon épicerie, observé les voisins. L’un deux a beaucoup rénové et s’est acheté de beaux et chers électroménagers. Un coup d’argent?
Mais la majorité du temps fut de lire des propositions sur l’interprétation de l’univers; le tout dernier livre traitait de l’histoire de la physique quantique avec un titre qui promettait peut-être plus qu’il ne pouvait en livrer: What is real?, de Alan Becker. Aussitôt la lecture terminée, je suis allé voir du côté des virulentes critiques écrites par des gens plus qualifiés que moi pour en discuter. Les précédents livres, trois de Lanza (1, 2, 3), traitant de sa proposition biocentrique, ceux de Laszlo (1, 2) proposant une version plus magico-scientifique-lyrique autour du champ akashique, m’ont renseigné et laissé sur ma faim.
L’aventure quantique est fabuleuse et la lecture du livre de Becker, mais aussi les précédents, m’a montré que tout n’est pas joué dans la compréhension du fameux pourquoi et du comment.
Au début de chaque lecture, je suis comme le jeune amoureux qui croit que son extase sera éternelle. Au milieu de la lecture, je deviens l’amant qui en redemande et qui exige. À la fin, je suis ce corps fatigué, prisonnier de sa finalité, devenu peut-être un peu plus sage, la ferveur de sa passion transformée en une vieille peau de serpent laissée au sol pour le bon plaisir de bactéries gourmandes.
C’est un peu comme si, durant les premières pages, je me dotais d’ailes prometteuses et vibrantes jusqu’à ce que la chaleur de mon ignorance vienne brûler chaque plume qui les composent. Avec le temps, à force d’essayer de nouveau plumages, je suis parvenu à planer et ainsi adoucir la chute.
Puis j’ouvre un nième livre, ou écris quelques phrases avant de retourner dormir.
Durant les rêves, les aventures sont différentes, se réinventent. Les oiseaux sont parfois nus ou vêtus d’armures humaines. Les possibilités, les probabilités s’en donnent à cœur joie. Il y a cette intense obstination chez les poètes qui les amène à s’entourer de nuage, au réveil. Nous, les gens dits ordinaires, les physiciens qui se taisent et calculent, les imitons sans doute un petit peu. Heureux qui, sans se boucher les oreilles, réussissent à danser sur le fil ténu du mystère?
Que pourrais-je bien lire, maintenant?