Assis sur mon tapis de yoga, je regarde par la fenêtre donnant sur un brin de ciel. Un arbre, au loin, plus grand que toutes les maisons, frissonne au souffle qui l’entoure. Et je ferme les yeux, les rouvre, le manège continue pendant que je tente une vaine relaxation.
J’observe l’immobilité des deux fauteuils en face de moi, je prends acte du beige des murs, j’écoute à peu près toujours le même album de musique ambio-instrumentale comme s’il me fallait autant fermer la moindre originalité, parce que cette musique m’apaise. Non, me fait davantage taire, essuie la sueur de mes pensées, assèche mon existence.
Mu par le hasard, je me lève, me tiens droit, referme les yeux. Si je tente de me tenir sur un seul pied, je suis pris aussitôt de vertige et dois regarder de nouveau à la fenêtre pour rétablir l’équilibre. Les deux pieds au sol, ça va. Je ferme de nouveau les yeux. Je tends les bras au-dessus de moi, élargis mes poumons et me penche, allant rejoindre mes orteils avec mes doigts. Je plie les genoux, remonte lentement en creusant l’abdomen. Les yeux ainsi clos, je perçois davantage mon corps, mon souffle, mon existence.
Tout ce que je peux entreprendre les deux pieds au sol s’acclimate de ma cécité volontaire, mais si je tente soit un écartement des jambes, soit un pivotement inhabituel, il me faut aussitôt lutter contre une maladresse que j’essaie tant bien que mal d’explorer.
Mon pseudo yoga à la sauce interprétation de quinze minutes est un jeu à la fois triste et paisible. Il tait la colère de mon ennui, une frustration parfois étourdissante que je suis inutile en ce moment, qu’il n’y a plus rien à dire ou à penser.
Pourtant, je lis beaucoup durant cette courte vacance. J’en ai mal aux yeux, et curieusement à l’épaule gauche. Tout pourrait se transformer, il me semble, bientôt. Ma réalité me paraît floue et imprécise.
Et je n’y peux rien.
Je ne veux pas en discuter.
J’ai peur.
Et je me ressaisis.
Je referme les yeux, poursuivant mon écoute méditative de cette musique lancinante, doucereuse, une ballade dépressive ou réconfortante, sur le fil délicat de la réalité ou de la vérité. L’oubli ou la présence, c’est du pareil au même quand on y pense. Le rêve ou l’éveil, c’est le même cerveau qui en fume du bon.
Notre âme, celle que nous sommes seuls à connaître, est bel et bien un feu ardent, une source d’inépuisable sagesse. Il est si étonnant tout de même que la chaleur qui s’en dégage sente à la fois le souffre de Shiva et le bois de santal de l’infini.
Les mathématiques, par les temps qui comptent, nous font découvrir l’infini et l’immortalité.
Mes yeux fermés demeurent un puit sans fond, sans fin.
Je n’y peux rien.
J’en discute avec les esprits qui me hantent.
Je n’ai pas vraiment peur.
Fragile, évanescente, mon âme.
Cela doit être la saison.
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En publiant ce texte, je me suis rendu compte que j’écrivais un peu la même chose il y a presque un an, jour pour jour.