Il est un lac aux paysages mouvants, qu’aucune tempête ne réussit à vraiment troubler. Son eau me semble profonde, mais je n’en ai jamais vu le fond. Ses rives foisonnent d’arbres, de ruisseaux d’où arrivent les souvenirs, les douleurs comme les joies et les orgasmes, d’où chantent les oiseaux des pensées.
Au premier regard, il s’agit d’un petit lac balayé par le vent du quotidien. Le soleil y peint son trajet narcissique sans que sur l’eau il ne puisse y laisser une ornière durable. Une brume, parfois, accompagne des nuages bas et gris. Une neige et des hivers l’immobilisent aussi, des hivers qui paraissent de plus en plus insistants, s’appropriant les printemps, les étés et les automnes.
Ce lac, ma respiration, en moi nourrit, nourrira mes jours. Sur un quai de métro, le long des trottoirs, partout sur la planète, telles d’autres rivières, s’agglutinent des essaims de lacs profonds, paraissant inconscients de ce qui les entoure.
Tous les matins, toutes les nuits, mon lac absorbe les alluvions et les sédiments, ne semblant jamais devoir s’assécher. Peut-être parce que son lit rejoint les lacs galactiques, la conscience des forêts, le fourneau d’un dieu bienveillant et aveugle.
Je pressens en moi cet héritage, l’invention des âmes. Je m’entends, je me regarde respirer. Mon lac, ma demeure est mon seul bonheur.
Bonheur ?
Peut-être pas.
Une certitude avec un petit point final.
Et l’espérance de ne jamais m’y noyer.