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Le sang de chaque route

20 décembre 2011

Le sang de chacune des routes de cette ville ressemble à une théorie nerveuse de lucioles. Moins nombreux que durant le jour, les automobilistes et les camionneurs filent à plus grande allure, le pied sur l’accélérateur, pesant comme un rêve éclair.

Suis allé au guichet automatique y engouffrer le fruit de mon labeur. Rien ne s’arrête vraiment dans une ville, rien ne s’immobilise tout à fait sur cette Terre. Lorsque nous dormons, des gens travaillent un peu pour nous, lorsque nous nous réveillons, nous prenons un peu pour eux le relais.

J’ai cogné lentement mon front contre ce mur réel, non pas pour me lamenter comme le font certains hypnotisés, mais bien pour craquer la faible écorce de ma conscience.

Mon esprit est un muscle ; il est comme cette nuit qui invente plus que des chats gris. Mes rencontres sont des jours et des nuits rêvées. J’essaie de conserver mes yeux ouverts même si, moi aussi, dois me blottir contre l’épaule du beau Morphée. Mais est-il ce qu’il prétend être ce bellâtre ? Il n’est qu’un papillon polymorphe qui prend la forme de nos envies.

La vie s’impatiente quand on lui donne sans cesse la lumière de l’ambroisie. J’aime la nuit, j’aime comprendre, j’aime découvrir. Il en va ainsi de nos rencontres. Le fruit de leur hasard se croque comme une délicieuse pomme.

Mais ce soir-là, à n’encaisser que mon chèque dans une patiente et froide machine, il n’y avait personne pour me raconter une histoire. Je m’en suis retourné sagement chez moi et me suis endormi. Morphée s’est couché près de moi et m’a enivré.