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Le Tamis

Le Tamis

22 décembre 2025

Il a bien fallu un commencement. Notre pensée logique nous oblige à ce constat même si nous ne pouvons prétendre tout connaître dans la façon de penser et d'ordonner le monde.

On imagine un atome, quoique au début, nous disent les savants, ces petites pierres d'énergie ne pouvaient exister. Il y a bien alors autre chose, une soupe cosmique, un plasma, des vagues si denses et larges que leur marée n'avait aucun sens, aucune direction.

Et puis, quelque chose a dû survenir, une sorte de tamis aux grands trous, permettant une première séparation, peut-être le grain et l’ivraie, peut-être rien encore de tout cela, seulement une différenciation qui alla en s'intensifiant, non pas comme on se l'imagine dans les films hollywoodiens, à grands coups de lumière, mais lentement, des monstres linéaires qui engendrent des monstres verticaux alors que se construisaient d'autres séparateurs, conciliateurs et pourfendeurs.

Des dieux ? Il est encore trop tôt pour y penser. Tout ce que l'on sait est que notre ignorance n'y a pas accès et ne l'aura probablement jamais.

On croit que des proto-atomes apparurent un jour dans un univers qui ne possédait pas de jour. De minces densités commencèrent à tournoyer entre elles et, à force de se rencontrer, finirent par s'effondrer, s'aimer, disons-le comme cela, jusqu'à ce que les étoiles, spontanément et, pense-t-on, presque toutes en même temps pour les premières, naquirent.

Lumière après tant de nuits et de brassage, de tamis se multipliant, formant des couches de plus en plus géométriques. Tout devint magnifique, grandiloquent, rien d'amadoué, probablement tout aussi implacable qu'avant. L'ordre était né.

Des dieux ? Pas encore. La Terre n'existait pas, pas même le soleil. Le cirque se passait des humains. On suppose que l'Intelligence apparut dans l'un de ces bruits cosmiques, mais sûrement très loin de la région qui deviendrait notre voisinage.

On ne sait que si peu. Tout ce que l'on peut se dire maintenant est que nos atomes fuient, passent par des tamiseurs subtils, apparentés à ce qui aura pu être Dieu après tout.

Mais cela non plus, on ne pourra totalement s'en convaincre, car le petit Temps qui se bouscule dans la canalisation de nos veines n'est l'écho d'aucun appel, d'aucun cri.

Notre existence ne peut être que musique, chant et danse. C'est sans doute ce qui se rapproche des premiers courants gravant des lits dans le substrat prometteur du Monde.

Écoutons nos mélodies, observons la beauté de nos spasmes et le rythme de nos rituels. Redevenons humbles, car le chaos qui paraît nous engloutir n'est qu'illusion. Nous sommes peu et tout dans l'Univers, ce qui, en fin de course, devrait nous faire taire en prière.