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Le Temps du Rêve

2 juillet 2021

J’ai passé la grande partie de ces derniers jours à dormir, à ne faire que l’essentiel pour demeurer en vie, immobilisé de fatigue. La chaleur opaque de la semaine n’a pas aidé à résister au poids des énergies sombres qui gravitent autour de moi.

Dans le ciel, les planètes forment des carrés et des oppositions qui brouillent les cartes. Saturne, le conservateur, regarde de loin Uranus qui veut tout casser, et l’arbitre est Mars manipulant l’un et l’autre. Ma mince peau en absorbe les effluves. Il est temps que je prenne des vacances, mon corps semble en savoir plus que moi sur l’état des choses, car il fait tout au ralenti.

Je ferme donc souvent les yeux. Il faut écouter, ouvrir ses sens, observer la saleté qui s’accumule à la fenêtre de son esprit, s’asseoir pour mieux marcher sa route, tenter un retour vers ce qui serait à redécouvrir.

Les Aborigènes d’Australie expliquaient la source de leur existence par le Temps du Rêve, une réalité existant avant la création de notre planète ainsi que sa mère galaxie et ses parents épiphénomènes. Tout aurait été Esprit avant que celui-ci se mette à rêver et à créer. On rencontre ce mythe un peu partout jusque dans les tranchées théoriques de certains physiciens.

Selon Joseph Chilton Pearce, l’enfant habiterait également ce monde, s’en extrayant graduellement, vers la septième année, pour finalement s’incarner dans la Raison et son corps. Chez les hommes anciens, il n’était cependant pas question de rompre avec le Rêve, mais de se servir des nouveaux pouvoirs de l’intellect pour naviguer vers des songes reconstruits. L’âme ancienne continuait de rêver dans un état extatique quasi permanent.

Conserver son cœur d’enfant ne signifie pas revenir à l’insouciance irréfléchie du bonheur, mais consiste à travailler sans relâche pour se redonner des plumes d’Icare et de tenter le voyage absolu de la vie jusqu’à ce que les ailes qui nous alourdissent prennent feu et nous plongent dans le chaudron et la chute d’une nouvelle Connaissance constamment à renouveler.

Comment puis-je être certain de ce que j’avance? Comment concilier ce rêve avec mes responsabilités professionnelles? Je vis dans deux mondes, car comme tout le monde, j’ai besoin de mes rêves et de mon chèque de paie. Est-ce de là que provient ma lassitude? Ne devrions-nous pas être tout un chacun les chanteurs de nos potentiels?

Je referme les yeux, j’entoure de ma conscience de cet état, lui fournit le bois nécessaire, plonge mes mains dans une eau froide, m’en asperge le visage. Méchante sagesse.