Il a été établi que c’est généralement le plus fort qui survit. Entendons-nous, la force physique n’a rien à voir. Selon le contexte, la ruse, l’ingéniosité, l’imagination des survivants, ou tout simplement leur nombre, jouent autant en faveur de l’un que de l’autre. Les mâles dominants se font, et plus souvent qu’on y pense, flouer par les ratoureux de l’arrière-cour. Chez certains poissons, les éjaculateurs précoces se faufilent en un rien de temps dans la tale du bon spermateur, font leur affaire et s’enfuient tout aussi rapidement. Chez certains oiseaux, les femelles choisissent les bons pourvoyeurs, mais acceptent en cachette les avances de plus belles couleurs. Bref, chacun s’essaie, pas tout le monde qui réussit, au plus fort la poche ou la stratégie (ça ressemble à une description de la mafia et de la politique). Règle générale, mais je ne suis pas un spécialiste pour l’affirmer, les faibles, les malades, les vieux sont laissés pour compte. Peu importe la ruse ou la force employée, n’est donné de chance qu’à ceux et celles qui peuvent jouer le jeu. Les autres se font manger plus vite.
Dans une fable un peu tordue, j’écrivais sur ce thème dans Crever mon fils. Chez l’être humain, il y a de ceci de particulier que le faible survit. On a beau dire ou faire, dans les pays à tout le moins dits développés, la société prend en charge ses blessés, ses invalides, ceux qui ne semblent produire rien. Il y a une zone très grise de notre fonctionnement. D’un côté, on les laisse là, prêts à se faire dévorer par le destin (qui ne s’intéresse pourtant plus à eux), et d’un autre côté, on répugne à les abandonner. On dira que nous avons évolué et que nous avons dépassé le stade animal et qu’il faut ainsi rendre gloire (à Dieu ou au cosmos) de notre humanité, que notre bonne conscience est notre planche de salut. Je n’en crois rien. Bien prétentieux l’esprit qui croit s’être affranchi de la Nature.
Certes, la race humaine est exceptionnelle, domine la planète, n’en finit plus d’inventer et produire des merveilles. Elle possède ce raffinement pour comprendre la souffrance et tente de sauver du naufrage ceux qui semblent voués qu’à se noyer.
Or, accrochée à l’ombre de cette même race, la violence se poursuit et l’indifférence est totale. Voilà le paradoxe. L’Homme demeure toujours un loup pour l’Homme, la Femme demeure une Rome qui peut être tout aussi sanguinaire et conquérante. Et c’est bien pour cela que, malgré nos bonnes intentions, les insuccès sont rapidement évacués de nos esprits.
Notre discours est fleuri, mais nos gestes, ceux vraiment qui comptent, croisent leurs doigts derrière le dos sachant très bien qu’ils ne tiendront pas de telles promesses. Le jeu des essais et des erreurs se poursuit. En connaissons-vous vraiment les règles?