On dit de la mort qu’elle est une chute, mais que sa direction est relative. L’âme serait éternelle et, pour s’incarner dans un corps, elle doive accepter de mourir. C’est la première chute. Lorsque l’enveloppe charnelle n’en peut plus, il se laisse tomber vers l’inanimé, tandis que l’âme remonte dans l’ineffable. C’est l’autre chute. Il y a peut-être plus bas, mais je l’ignore.
Les gnostiques n’en pensaient pas moins de Dieu, issu d’Abraxas, se manifestant dans le Bien suprême, tandis que le Démon, son jumeau, incarnerait le Mal. Même naissance, même chute. Ce n’est pas moi qui le dis, je ne suis pas allé vérifier dans la caverne de mes archétypes. Je ne me suis pas fait non plus démonter de mon cheval par une quelconque apparition. Ça viendra peut-être avant la fin de la soirée… ou jamais.
Chaque automne est, pour moi, l’occasion de répéter mon engouement pour la lumière affleurante du matin. Encore accrochées aux branches ou déjà évanouies sur les trottoirs, les feuilles absorbent les photons de passage avec le peu de vie qui leur reste. La chute semble horizontale, et je suis pris du paisible vertige d’accepter ce qui est.
Cette saison est probablement ce qui me rapproche plus du silence des prophètes, de ceux qui savent sans pouvoir expliquer. Lorsqu’on sait, semble-t-il, on se tait et par ce seul mutisme tout jaillit. Le problème proviendrait des disciples qui mélangent tout, en se mettant des robes, des breloques et des bijoux.
Il semblerait également que seuls les poètes, même s’ils sont tout de même bavards, savent de quoi il en retourne avec l’automne. Mais je ne me mettrais pas ma main au feu. Je connais si peu de choses, aveugle dans ma quotidienneté et mes brûlements d’estomac.
Ce dont je suis pourtant certain est que je suis le prophète de mon existence. Je ne pourrai jamais l’expliquer et mon unique silence ne me méritera certes aucun disciple, mais j’avalerai tout de même autant que je peux la lumière de mes respirations et me gaverai des inventions de ma conscience jusqu’à ce que je laisse ce corps avec les feuilles mortes.
J’aimerais vraiment mourir durant un automne, car j’aurai la force d’être poète et silencieux.