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L’heure du présent

11 août 2013

Le silence, parfois, m’insupporte. Entendons par là la mort, ce néant invraisemblable, ce pas au-dessus du vide que l’âme finit par faire. Je ne crains pas la mort, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu, bien vilaine prétention, délire orgueilleux, incapacité à relaxer devant le danger.

Lorsque, après voir pris le petit déjeuner, fait les ablutions, terminé la lecture des journaux, après la douche, les éternuements, après avoir cogité sur ce qu’aurais à dire mercredi prochain au panel de la Fierté littéraire (l’homosexuel est-il le seul habilité à écrire des personnages homosexuels ? C’est quoi cette question ?), après avoir fait le tour de ce que je pourrais faire durant la journée, le chant, le ménage, une promenade, de l’exercice, un site web pour la famille, la lecture, encore du ménage, sans oublier la construction, le délabrement du salon, laissé en chantier. Après avoir été placé devant toutes ces possibilités, je me contente, comme hier après-midi, de m’assoir dans mon lit, en fermant les yeux de fatigue.

J’ai certes trop travaillé depuis des années. Le rythme fut soutenu et puis maintenant, cette pause, cette incertitude. L’économie va mal, mes économies vont mal.

Silence. Attente. Insouciance.

Et soupir. Ce n’est pas ainsi que Marguerite Yourcenar écrirait (j’ai, sur la table de chevet, deux de ses ouvrages. Ce que c’est imposant, un océan littéraire comme le sien). Je me satisfais, donc, de fermer les yeux, en espérant sans doute naïvement que ça passera. N’y a-t-il pas, à l’horizon, le soleil heureux d’une prochaine publication ? N’ai-je pas atteint mon but ?

Pourquoi alors cette angoisse ? Pourquoi cette peur du vide ? J’ai le cerveau limbique d’un adolescent et le lobe frontal d’un grand-père. Qu’on ne s’en fasse pas outre mesure, l’écrivain peut tout se permettre, sa littérature ressemble à la marée. Ce sont les lunes qui commandent.

Je crois qu’il me manque un peu de vocabulaire en ce moment. J’ai certainement juste besoin de me reposer. Il n’y a pas, après tout, le feu. L’horloge pointe toujours l’heure du présent.