Après deux jours polaires à égratigner notre peau contre des murs de froid, les températures ont fini par s’adoucir. Il fait en ce moment -11 ˚C dehors, 23 ˚C dans ma chambre, le soleil réussit à lancer sa chaleur jusqu’à ma peau même si, lorsqu’un nuage passe, les fantômes de l’hiver parviennent à me faire frissonner.
Idem pour mon budget que je me décide à faire. Il était minuit moins une lorsque j’ai décidé d’aller travailler. Disons que le patient est stable, quoique les colonnes de chiffres devant moi sont autant de nuages sur le soleil de mes espérances.
La situation est à la fois sereine et fragile. Comme le reste. Demain, je pourrais glisser dans l’escalier, demain, je pourrais mourir dans mes rêves, demain, je pourrais voir tout en noir. Et demain, je pourrais avoir gagné à la loterie.
Dans l’autre colonne, celle qui ne se comptabilise pas vraiment comme une planification financière, il y a mon existence, mes réalisations, le bonheur d’être nu dans un lit chaud, le frigo gavé de nourriture, le roman en devenir, la voix en pourparler, le cœur en déraison, autant de belles promesses et de certitudes.
Dans une autre colonne, tout aussi intangible, s’enfilent les contradictions de mon être, les situations alambiquées, belles mais tout de même instables, les multiples sollicitations, les exigences, la survie.
Sur un fil.
Le gouffre est profond.
Il l’aura toujours été. Je n’invente rien. On le décrit, vénère, pourfend, s’en plaint depuis des millénaires.
Mieux vaut regarder, sentir le soleil, se dire que demain, il y aura encore quelque chose à vivre, que, demain et aujourd’hui, c’est du pareil au même, qu’il faut se taire tout en parlant aussi fort que possible. Accepter et résister, toujours faire le contraire de son contraire, se bercer de vertige et s’accrocher aux nuages épais de l’insouciante liberté de vivre.
Mes mots sont vivants. Quel miracle.