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Neptune et moi

26 mars 2016

Le présent est une chimère, une billevesée que l’esprit tente d’écrire chaque fois qu’il s’arrête pour souffler un peu. Son parchemin se déroule depuis des millénaires, des milliardinaires. Et peut-être, même en inventant des mots, j’ai tout faux. Qu’est-ce que le présent sinon une suite impassible et langoureuse d’absences, qui se dilate ou se contracte au gré de nos vagues saisons et humeurs? Nous ne vivons pas dans le présent, nous ne faisons que sautiller de seconde en seconde sur des pierres placées sous nos pieds par un hypothétique prestidigitateur de fortune sur ce lac profond qu’est l’univers, un monde qui nous a peut-être inventé, qui en a tant fait et découvert. Une ritournelle, cet univers, un pacte violent avec l’existence.

Nous ne sommes pas le présent, nous ne savons pas ce qu’il est, nous conservons nos yeux bien fermés, à l’abri de son regard obstiné. Nous avançons, nous dansons, nous chantons, nous rêvons pendant que, loin de nous, de géantes planètes bouillonnent dans leur méthane, tandis que des novae arthritiques explosent de colère.

Qu’est-ce que le présent quand des feuilles minces et quantiques, voire diaboliques, s’entrechoquent à qui mieux mieux à en faire naître des dimensions tellement incompréhensibles qu’elles ne peuvent qu’être magnifiques et saugrenues? Et si mes doigts tapaient d’autres hypothèses, ailleurs, dans une pensée que nul autre que mes multiples Moi pourraient comprendre?

Je divague, bien sûr, mon présent n’est-il pas irréel? Je n’en suis pas pour autant éternel. Neptune est plus grand que moi, plus lent, plus patient. Il finira par mourir aussi. Mais pour l’instant, dans un grand présent placardé au zodiaque de mes symboles, il gère ma vie, m’avale tout rond, moi et mes certitudes.

Ah! que j’aime rêver. Comme mon ignorance est immense et lourde à porter!