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Ni passé ni futur

21 février 2024

Entendu sur Internet la conversation entre un professeur et une élève qui lui demandait pourquoi on semblait perdre la notion du temps lorsqu'on rêve. Par le jeu de questions et de contre-questions, le professeur amena l'élève à réaliser qu'on ne vit que dans l'instant présent.

Quand bien même voulons-nous suivre le chemin du passé ou le sentier du futur, notre conscience ne peut le faire que dans ce maintenant longuement raconté par les bouddhistes. On n'échappe pas au présent, c'est la seule réalité que nous possédons.

Notre cerveau nous raconte constamment une histoire qu'il interprète tant selon nos perceptions que nos raisonnements. Après tout, les physiciens ont imaginé nombre d'univers en incluant le temps comme variable. Le passé, le présent, le futur ne sont qu'une donnée parmi d'autres et de cette mathématique naquirent la bombe atomique, les vaisseaux spatiaux, l'intelligence artificielle. Faut le faire tout de même, inondés que nous sommes d'illusions et réussir à se créer un semblant de terre ferme.

De ce flot constant de pensées, les solitaires, comme les partagées, se sont construites des civilisations. Tout cela est bien réel selon nous. Il s'agit d'un maelström qui nous guide et nous trompe. On doit se répéter sans cesse que notre mémoire est un sédiment, une accumulation tapissant l'incommensurable océan d'une réalité qui n'a pas de fin puisqu'elle n'aurait jamais commencé.

Pas de passé, pas de futur, que le présent. Comment alors peuvent naître les étoiles et les tourments? Comment les guerres peuvent-elles exister, pourquoi se donne-t-on entre nous la mort si nous ne pouvons appréhender notre ignorance?

Bien sûr, nous existons. Nous enterrons nos ancêtres, nous pleurons notre temps qui passe, ressentons une fatigue qui n'était pas là il y a à peine quelques minutes ou années. Certains penseurs pensent que l'univers rêve par nous. Mais pourquoi rêverait-il? Pourquoi tant de volcans et d'éternels recommencements?

Il semble bien que la seule réponse que l'on peut s'offrir est de se poser continuellement des questions, car nous tournons en rond, c'est la seule géométrie possible.

J'aimerais avoir le pouvoir de ma prière, j'aimerais que ma seule volonté arrête cette illusion qui nous tient lieu de certitude. Or, je ne suis qu'une pensée malhabile. Les autres, dans leur cerveau, inventent de belles choses, nous donnent la médecine et les concubins, les arts, les apothéoses, les découvertes qui ne cessent de nous surprendre. Je ne tisse qu'un vêtement de phrases...

Et encore, je peux retourner le miroir contre ces belles inventions qui se transforment alors en angoisses, en humanité. Je ne comprends vraiment rien de rien et je mourrai sans réponses.

Mais serai-je mort? Écho de ma naissance?

Le présent est notre seul étonnement.

Illustrations générées avec Midjourney