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Soixante-cinq révolutions

2 mars 2024

Soixante-cinq fois le tour du soleil. Si peu de révolutions, pourtant les miennes qui s'effaceront dans la mémoire de tous ceux et celles qui me survivront et dont la trace disparaîtra, elle aussi avec mes derniers pas, de ce chemin nommé Vie, Existence, Univers ou Dieu.

Ma pesée robotiquement intelligente m'a dit ce matin que j'avais le corps d'un gars de soixante-six ans. La réalité n'est donc pas en contradiction avec ma cervelle. Quant à mon inconscient, il mijote mes rêves, brasse mes élucubrations et tire les ficelles de mes actions.

Je cherche toujours ma lumière, mon astre. J'ai demandé à Midjourney de me concocter des soleils en vitrail, puis y ai rajouté des pierres précieuses, du basalte. J'avais déjà demandé quelques soleils à la mode Egon Schiele. L'ordinateur fut inventif et j'ai du mal à choisir. Je ne me lasse pas de cet imaginaire démesurément plagiateur. Il me permet de construire mes décors. Moi qui me promenais pour photographier le monde, me voilà à tapisser mes yeux de diamants computés.

C'est la modernité qui sans cesse se réinvente, et toujours avec le même but, trouver son ou ses étoiles, absorber ses lunes, suivre les traces de Vénus et se faire électrocuter par Saturne ou Uranus.

Soixante-cinq fois le tour du soleil. Ceux et celles qui en ont fait davantage diront tous la même chose. L'esprit semble se figer aux alentours de la vingt-cinquième révolution. On demeure jeune dans la caboche. Mes jeunes collègues sont bouche bée quand je leur annonce mon âge. Ils verront eux aussi. La vie n'est qu'une affaire du moment. Il n'existe qu'une seule flamme qui se méfie du corps, reste blottie dans l'enchevêtrement nébuleux de la conscience.

Si on dit que le temps n'existe pas vraiment, il n'en demeure pas moins que cette petite flamme toujours joviale et ponctuelle affronte les vents de l'usure, les fissures de la fatigue.

C'est dur, vieillir, me disait ma mère ce matin. Brel en a fait une belle chanson. Oui, cette vieillesse est étonnante, mais si peu originale. Je souffle sur les braises de ma peau afin qu'elle me maintienne droit et beau. Tant qu'on a la santé, on peut se permettre d'espérer, de jouir des bonnes choses et de s'inventer des amen.

Je me vois confronté à ce qui je pourrais faire de mon futur présent. Bien que je n'aie pas encore le goût et l'argent pour prendre ma retraite, je me vois un peu comme un moine recevant les gens afin de leur parler de leur carte du ciel, de leur raconter une histoire qui donnerait un sens à leurs décisions.

Ce n'est peut-être qu'un fantasme. On peut se faire une carte pour le moment où le Soleil revient au degré de sa naissance. Cela donne le ton, semble-t-il. Dans mon thème de cette année, une promesse de décision, de consolidation, peut-être de conclusion. On verra. Le sage régit son étoile, l'ignorant est dominé par elle.

Qui suis-je? Savant ou ignare?

Illustrations produites avec Midjourney