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Nos cerfs-volants

19 avril 2015

Il est facile de dire, je ne cesse de le répéter. Il est plus difficile de faire. « Je t’aime, tu m’aimes, nous nous aimerons. » « Je te promets, tu me promets, nous nous promettrons. » Les politiciens, les amoureux, les vendeurs de tous les temples, les fomenteurs de toutes les histoires sont capables des plus belles paroles comme des plus élégantes inepties.

L’homme, le mâle, est sans doute encore plus apte à enflammer tout ce qu’il désire avec ses paroles. Quant à la femme, la prima donna, calcule davantage, soupèse, parce qu’elle doit incarner la suite, user son corps pour donner la vie. Mais peu importe le genre, la parole est à la bouche ce que l’arme est à la main.

Je l’ai déjà écrit, dit : l’important est ce que l’on fait. La parole est trop souvent ce beau cerf-volant que nous admirons lutter contre et avec le vent. Tôt ou tard, le bel oiseau retrouve le sol.

Dire un « je t’aime » ne vaut rien si le corps ne suit pas. Les babines doivent suivent les bottines. Une mère, un père, qui sucre ses paroles avec de beaux discours, ne prouve rien tant et aussi longtemps qu’il n’agit pas. Un baiser, des bras accueillants, un cœur bienveillant, une réelle protection pour l’âme de leurs enfants. Passe le cerf-volant requiert de transmettre cette corde, cet ancrage.

Un jeune adulte qui promet l’amour éternel n’a pas encore compris qu’il faut parfois naviguer longtemps, plonger son ancre dans l’eau de multiples côtes, avant de savoir ce qu’il doit faire. Sa naïveté est évidemment sa vertu. Il veut agir et l’adulte plus vieux doit, quant à lui, savoir reprendre le large, larguer les amarres, car il continue à vivre. Toujours, oh, toujours, retourner ses paroles mille fois dans ce sol de certitudes.

Il en va ainsi pour le pays, pour la Terre. Vous êtes paroles, vous êtes corps, et entre cette écorce et cet arbre, il y a cette sève qu’on appelle émotion, cœur, partage. Être vraiment sincère est lorsque ce que l’on dit s’enracine, par la magie de son amour, dans le sol de ses actes.

Quand on aime vraiment, la jalousie disparaît, quand on agit vraiment, on ne laisse pas la parole devenir Bible, on ne la laisse pas se transmuer en Jugement. Quand on fait vraiment, l’amour s’échappe de toutes les frontières que sont les distinctions, les règlements. Et si, parce que les lois de la Nature sont ainsi faites, il faut combattre pour survivre, nous l’aurons fait tout de même dans le respect. Peace and love.

Notre planète, notre corps sont notre océan. Y foisonnent des possibilités évanescentes, parfois inaudibles, fragiles devant les comètes et l’inéluctable. Parler, faire, c’est faire pour parler et parler pour faire. Ainsi la Grande Roue s’illumine de tous ses feux. Comme les étoiles et les trop nombreuses galaxies.