Il y a un peu plus de vingt ans, j’étais pris en charge par un vieux médecin qui me fit comprendre que je devais prendre soin de moi si je tenais à la vie. D’un abord austère, l’homme m’enjoignit de perdre du poids, de contrôler un début de diabète. Très tôt dans nos visites, il me questionna longuement sur le bilan de santé de mes parents. Il m’avait expliqué que soigner le présent commençait par comprendre le passé des ancêtres et que l’hérédité jouait un grand rôle sur ce que serait ma vie.
Le vieil homme de 80 ans, qui se nourrissait d’aliments entiers, à la japonaise comme il disait, faisait quotidiennement ses longueurs dans la piscine de son condo. Un homme admirable, un peu bourru, tout à fait vert auraient dit ces dames, qui lorsqu’il réalisa que je suivais ses conseils à la lettre, prolongea nos rencontres au grand dam de ses patients qui attendaient derrière la porte.
Si mes parents, mes grands-parents, mes sœurs souffraient de ceci, de cela, il y avait de fortes chances que je souffre de quelque chose issu de ce bassin de possibilités.
Il me prescrivit donc des médicaments préventifs dans la lignée de ces probabilités.
Ces attaches ADN qui nous lient à longue lignée de nos ancêtres n’explique certes pas tout. Elle met un tant soit peu en perspective notre libre arbitre. Peu importe ce que l’on fait, la mathématique complexe de la vie résoudra d’elle-même l’équation.
Un collègue marathonien m’avouait dernièrement qu’il craignait que tout son effort de mise en forme pouvait n’aboutir à rien, que cela ne le ferait peut-être pas vivre plus longtemps alors qu’on sait que d’incorrigibles fumeurs peuvent survivre le plus intenses des athlètes.
Si nous échappons individuellement à la statistique, cela ne signifie pas que les calculs sont erronés. Nos vies ne seraient ainsi ni le fruit du hasard ni un incontournable chemin cimenté dans un destin plus pesant que notre volonté.
Les astrologues vont sourire ici. Ce qu’il y a dans le ciel est comme ce qu’il y a sur la Terre. Nous naviguons dans un océan de tangibles et d’aléatoires possibilités. La course est connue, les modalités laissées à nos discrétions.
Nous avons le choix de vivre, pas vraiment celui de mourir, mais notre vie nous appartient. Ou pas. Car nous n’avons pas tous reçus dans nos mains ces billets plus ou moins gagnants qui alimentent les histoires hollywoodiennes.
Il est tout de même intriguant, ou amusant, de constater que toutes mes sœurs sont nées avec une Lune en signe de Terre (trois en Capricorne, une en Vierge). Si ma mère possède une Lune en Bélier, celle-ci est conjointe… à Saturne, maître du Capricorne, signe de Terre. Quant à mon père, la distance mitoyenne de son Soleil et de la Lune est en… Capricorne, et qu’il épousa ainsi une femme « irradiant » cette énergie afin de peut-être résoudre cette tension intérieure qui l’animait. Sa Vénus est d’ailleurs conjointe à… Saturne. Sa Lune est conjointe à Jupiter, maître du Sagittaire. J’ai ma Lune en Sagittaire, tout près de Jupiter et… Saturne lui est… en Capricorne.
Est-ce un hasard ou l’expression d’une danse aux pas inextricables?
Il peut ne s’agir aussi que de coïncidences explicables par la statistique. Toujours est-il qu’il est possible de tracer des liens, de lire dans les astres et de comprendre le sol sur lequel nous posons les pieds.
L’important, j’imagine, est de nourrir sa capacité à raconter, à tisser son histoire, belle ou horrible. Cette seule narration peut donner un sens véritable à ce que nous faisons pour nous et pour les autres, nous aidant ainsi à relativiser nos certitudes tout en intégrant dans nos cœurs la musique étrange de l’existence des autres.
C’est un peu comme cette image en début de ce texte. Il s’agit en fait non pas d’une nébuleuse lointaine, mais de la transformation numérique d’une simple photo du fond de mon bol ayant servi à pétrir mon pain… Comme quoi, il y a ressemblance et appartenance en tout. Il suffit de divaguer pour le plaisir de naviguer sur l’océan de nos heures.