Nous vivons forcément seuls entre les murs élastiques des appartements du corps et de l’esprit. Il y a bien les fantômes de nos idées, les spectres de nos souvenirs, les films de nos habitudes. Il y a bien aussi ces étranges oasis d’énergies, collées à notre peau, au petit matin, qui nous sourient, ces lointaines manifestations télévisées, écrites ou chantées, ces îles passantes qui, de leurs yeux, s’arriment à votre regard et qui poursuivent sans ralentir leur pèlerinage.
Il y a surtout ce battement insistant, ce tremblement du sang, cette eau qui, sans cesse, retourne au même moulin, y alimente une tenace existence. Il n’y aura plus rien de tout cela, un jour. Les choses, tant les montagnes que les grains de nos pensées, poursuivront tout de même leurs routes.
Nous vivons forcément seuls, car nous ne sommes rien. Or, si petits soyons-nous parmi les autres maillons, il n’en demeure pas moins que nous pouvons ressentir avec vertige toute la hauteur de l’existence.
Il suffit de regarder, de se taire, de parler ensuite, même s’il y aura toujours cet écho sans fin pour répondre à notre ignorance. Nous sommes vraiment très peu de chose, et cela n’a aucune importance.