Nous voudrions protester. Les hommes, sur la planète, semblent vouloir s’empêcher de tourner en rond. Une guerre ici, une libération là, une exploitation par-ci, une domination par-là. Les idées, la soupe de toutes nos aspirations, ne goûtent pas la même chose dans la cuisine de l’autre.
On dira que ce n’est que de la lutte darwinienne pour la survie du plus fort. Il y a sûrement un peu de vrai ; nous ne sommes, après tout, qu’un fil d’Ariane, voire un friable et mort fil d’araignée. L’univers se meut par des règles dont nous avons à peine conscience.
Je m’étonne tout de même de notre acharnement à compliquer les choses. Quand les hommes vivront d’amour, dit le poète, il n’y aura plus de misère. C’est simple, utopique, mais complet.
Pourtant, il semble qu’il soit plus simple de faire compliqué, car sinon, comment Shakespeare aurait-il pu écrire ses drames ? Comment pourrions-nous tendre vers l’ivresse ?
Il se peut que, malgré toutes nos bonnes intentions, nous ressentions ce vide inexorable qu’est notre finitude et que, malgré notre sincérité, nous en venons à nous soumettre à nos Ignorances, parce que nous sommes fatigués de vouloir comprendre, qu’il soit donc plus facile de stopper nos interrogations en les nommant aveuglément par tous les noms gracieux qui nous montent à l’Esprit.
Nous sommes faibles. Notre chute est relatée dans bons nombres de livres sanctifiés. Il ne semble pas encore venu le temps où nous comprendrons ces mystères.
Toujours est-il que nous voudrions protester, nous voulons lutter pour obtenir un peu de bonheur, avec toute la justice qui nous revient. Oublions la Nation, revenons-en à la nécessité du Cœur.
Voilà encore bien des majuscules. Il y a encore beaucoup d’histoires à raconter. C’est le poète qui doit être content.