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Personne ne revient de cette saison.

21 janvier 2024

Je pourrais être sans mots, me perdre dans un univers cybernisant où se mélangent la lune et le soleil, les arbres et les loups. Je pourrais me gaver de labyrinthes et d'algorithmes, mon esprit complètement embrasé par les couleurs inventées par un robot qui gobe tout, se rappelle de tout et me le résume selon ce que j'ai le goût de vivre et de manger.

Je pourrais me noyer si je ne fais pas attention dans une flaque d'images illusoires et sans lendemains. Pluton accapare déjà mon esprit. Il survole son océan de lave, ses longues ailes pures et blanches murmurant de la neige.
Je peux dire n'importe quoi, j'essaie de comprendre mes humeurs et de donner un sens à travers des doigts qui se meuvent au-dessus d'un plastique clavier. Je tends l'oreille, j'écoute mon existence.

Et je me demande si les moines au haut de leur Tibet font semblant de méditer lorsqu'ils rêvent. Touchent-ils de leurs désirs le diamant opaque de la Connaissance? Ou l'inverse survient, leurs sens tuméfiés guidant leurs fantasmagories? Qu'est-ce qui importe, de savoir ou d'aimer? Puis-je vivre les deux? Est-il vain de le souhaiter?

Je pourrais être jeune, mais mon corps respire déjà autrement. Le temps fuit, ce n'est pas une surprise, mais je m'en étonne encore et toujours. Je me fais insistant de vivre, pourtant ne lève très peu le petit doigt pour le faire. Je suis immobile comme ces patients androïdes qui attendent qu'on les allume. Je suis un rêve déjà glacé, une gentille monstruosité d'inconscience.

Je n'habite qu'une pièce momentanément tapissée de printemps. Je ne sais de l'hiver qui s'en vient. Personne ne revient de cette saison.

Illustrations imaginées avec Midjourney