La démarche se veut simple, spontanée, sans vidéo ou livre, bien que, dans un passé plutôt lointain, j’avais suivi des cours. J’ai par la suite oublié tout ça, bien que je me promettais de m’y remettre.
Ce que j’ai conservé de la pratique de yoga d’alors est la respiration, quelques poses et attitudes. Il est important de respirer, tant dans le yoga que durant la méditation. À retenir de ces formes de bien-être est la pleine conscience du moment.
Pendant un an, j’ai plutôt fait du cardio modéré avec un elliptique situé dans ma chambre. En même temps, je m’étais procuré de nouveaux livres, me suis abonné à un programme en ligne, acheté un bon tapis, mais sans aller de l’avant.
Je ne sais ce qui m’a finalement incité à m’y remettre. Allons-y avec l’explication la plus simple : j’en avais juste le désir.
Je démarre l’application Endel, y regarde un temps les courbes animées dessiner on ne sait quelle esthétique sage, enclenche sur ma montre le moniteur d’exercice, choisissant le yoga. Cela calculera l’effort si tant peu il y en aura. Le résultat sera enregistré quelque part dans le nuage sans que je n’y porte plus attention que cela.
Je faisais de même pour l’elliptique. J’avais pour objectif d’améliorer le cardio. Je lisais, je regardais des séries sur Netflix, mais m’en suis un peu lassé, à la fois de l’effort et aussi des histoires en épisodes du grand géant du streaming. Mon cardio s’est peut-être amélioré, mais n’en sais trop. Ma montre qui sait tout me donne à peu près les mêmes résultats qu’il y a un an.
Avec mon petit yoga, c’est plus simple. Je commence par lever les mains, étirer les bras en regardant par la fenêtre du salon. Je lève par la suite une jambe. La gauche que j’avais cassée en 1998 me cause des soucis d’équilibre alors que la droite ne se fait pas prier pour me maintenir droit.
Ainsi, j’écoute mon corps, mais première maison. Bon an mal an, le côté blessé a fini par imiter le côté non accidenté. C’est une petite victoire, mais je ne m’en fais pas des accroires. Une guérison ne sera toujours qu’une blessure maîtrisée, comme ces crevasses dans la croûte terrestre menaçant en tout de temps de libérer une neuve lave.
Je respire à fond, étire le ventre, amène mes bras tendus vers le sol que je parviens à toucher. Les muscles arrière des jambes n’aiment pas ça, mais là encore, après un mois de tentatives, ils ne protestent plus. Je parviens à toucher ainsi le plancher avec mes doigts, et même y presser brièvement les paumes.
Viennent des imitations de poses apprises durant mes cours. Je n’ai pas toujours ni l’équilibre ni la patience d’y aller jusqu’au bout. Cela dépend de la complexité de la journée, si je fais les exercices le matin ou le soir, si je suis stressé ou esseulé.
L’exercice que je fais systématiquement est le chien tête en bas suivi de la planche. Je ne conserve pas longtemps la position de ce puissant push-up immobile, car mes bras n’ont plus la force d’antan. Je finis souvent par un cobra tranquille. La séquence forme une sorte de vague et me fait grand bien.
J’écoute, je ressens mon corps, le craquement des articulations, le mouvement des muscles. Je respire, pense à tout et observe sans penser.
Cela ne dure pourtant que dix minutes, parfois quinze. C’est tout juste un petit yoga, une forme de prière à moi-même. Cela doit me faire du bien quand même, mais je n’en calcule ni le progrès ni la vraie nature.
Ma glycémie tend d’ailleurs à monter légèrement. J’ai d’autres instruments pour juger de mes organes sans pour autant que je puisse en déduire quoi que ce soit, car je ne suis pas médecin.
Je ne suis qu’un homme vieillissant qui habite une île éphémère. Je ne suis qu’une vie, toujours bellement la même, chanceuse de ne pas tant souffrir, d’être bourgeoisement parvenue à cet âge.
Je suis conscient de cette intense tristesse qu’est le bonheur. Je ne suis qu’une interrogation de plus, qu’une respiration anonyme.
Et je m’étire, je pense au ciel devant moi, à ma respiration dans mes entrailles. Je ne suis que ça.
C’est prodigieux.