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Près du silence

12 septembre 2023

Je ne sais trop si cela était marqué dans les étoiles. Neptune, certes, haut dans mon ciel, Saturne opposé à Pluton. Le Soleil survolant Uranus de naissance. La tempête parfaite sans doute.

Il y a un mois, j’attendais impatiemment mes vacances prévues pour septembre. J’étais déjà fatigué. Nous avions eu au commencement d’août, deux activités le même jour au sein de la compagnie, l’un rassembleur autour d’une paella, l’autre étant un souper parmi les gestionnaires.

Je ne sais si la genèse de ce qui allait se passer provient de ces repas. Toujours est-il que j’ai commencé à faire de la fièvre pendant trois jours le 8 août. Je me suis mis à uriner constamment, à être constipé, à souffrir, puis à filer doux un temps pour ensuite replonger dans des nuits interminables.

J’ai pu continuer à travailler, pensant que c’était un mal temporaire, mais force fut de constater durant la troisième semaine que rien n’allait. En trois semaines, j’avais perdu 5 kilos. J’ai pu à peine faire quelques heures de travail la dernière semaine. Le reste du temps, je le passais à dormir, à ne plus avoir faim, me dirigeant vers une pente descendante qui eut comme une conclusion une entrée aux urgences le dernier vendredi du mois à l’hôpital du Sacré-Coeur.

On constata aussitôt que mon taux de sucre dans le sang était dangereusement élevé. Tellement haut qu’il approchait un point de non retour, à savoir le coma diabétique.

On m’intégra aux urgences en sautant les étapes, m’infusant aussitôt un soluté. On découvrit rapidement une mystérieuse infection à l’E-coli qui avait attaqué les reins, le foie, le sang.

Ainsi commençait mes vacances. Je suis resté une semaine à l’hôpital et grâce au savoir médical moderne et bons soins de tout le personnel hospitalier, je prenais congé le jeudi suivant.

C’était donc ma première semaine de vacances. Je suis toujours dans la deuxième. Je dors beaucoup, ma glycémie est maintenant contrôlée par des injections d’insuline, chose que j’avais pu éviter depuis vingt ans. Je suis encore sous antibiotique, j’ai le cerveau en compote, à peine apte à regarder des films et des documentaires. À dormir beaucoup aussi.

Pendant mon séjour à l’hôpital, je me suis vu comme papa à la fin de sa vie, amaigri au point de ressembler à un survivant des camps de concentration, à n’avoir plus de voix, à marcher comme un vieux qui n’a pas atteint 65 ans.

Oh! Mon mal est peu comparé à la souffrance dont j’ai pu être témoin lors de mon hospitalisation. J’étais de la petite bière pour les infirmières, un cas facile. J’ai partagé ma chambre avec trois dames aux destins fort différents, entendu des tragédies un peu partout dans les corridors.

Le personnel est débordé et si exceptionnellement doux. On ne dira jamais assez haut et fort le dévouement de ces gens. Je leur dois beaucoup.

J’ai peut-être attendu trop longtemps avant de recourir aux urgences. J’ai bien tenté de rejoindre mon médecin, mais il se cache derrière un système de réservations qui dépasse mon entendement. Je ne lui en veux pas, mais j’ai dû mal à faire confiance maintenant à un tel système. Mais oui, j’aurais dû sonner le signal d’alarme plus tôt. J’étais naïf à souhait.

Je l’ai dit, j’ai déjà très fatigué et ce qui arriva était sans doute dû à l’insouciance du vivant qui pense que le temps sera là toujours pour lui.

Mais je sais maintenant que je me suis rendu à la porte du Silence.

J’en suis ébranlé, quand même reconnaissant que l’on ait pas ouvert le portail. Je ne veux pas dramatiser. Ce sentiment est tout personnel, me dicte ses leçons.

Je me dois de récupérer, reprendre les muscles que j’ai perdus. Je me dois de continuer, d’espérer, de rallumer le petit feu de paille qui me sert d’intelligence.

Je me dois d’écouter mon corps, porter attention à mon esprit. Faire, si possible, du moins pour le moment, que le nécessaire. Il ne me faut pas m’enfermer dans un scaphandre. Le jour viendra bien assez tôt où le temps cessera de marteler sur l’enclume de mon existence.

Je sais que le Silence m’entoure. Il est là parmi nous, omniprésent. Rien pour m’empêcher de vouloir encore chanter, écrire, sourire, se délecter du miel rare de ce qui est. Que puis-je faire d’autre?