« --Comment ça va ?
-- Ça va passer. »
« Ça va pressé », « Ça va », « Ça roule. »
« -- Quoi de neuf ?
-- Pas grand chose. »
Si, beaucoup de choses, mais je ne te le dis pas. Je ne veux pas tout expliquer, je n’ai pas le temps, tu ne comprendrais pas, et puis, tu as sans doute, toi aussi, beaucoup de choses à dire que tu ne veux pas dire, parce que je ne le comprendrais pas, surtout dit comme ça, hors contexte. De toute manière, si nous commencions à parler de nous, on ne pourrait pas commencer notre journée, la semaine entière serait occupée à tout redire et réécrire nos vies respectives. Et puis, c’est sans compter les autres qui voudraient se joindre à notre conversation. La planète entière s’arrêterait peut-être un petit peu et, au final, se remettrait à bosser, à s’entretuer dans les incompréhensions. C’est que les mots nous manquent, nos paroles sont maladroites, nous trahissent en voulant traduire tant bien que mal les labyrinthes de nos jours. Il se peut que nous soyons condamnés à nous taire ou à laisser aux artistes le soin de nous peindre la vie qu’il nous faudrait vivre.
Il n’y a, semble-t-il, qu’au moment de la mort que tout nous revient, défile rapidement, en un tour de magie du cerveau. Il y aurait alors que les regrets qui se bousculent pour, au moins une fois dans leur vie, exprimer clairement leur douleur, il y aurait aussi les bonheurs qui veulent s’éclater une dernière fois et nous prouver que ça valait la peine de vivre.
Comment ça va ? Ça va, bien sûr, mais il n’y a de neuf que les gestes secrets qui se répètent sans cesse, il n’y a notre petit bonheur qui se promène avec sa peau de chagrins. Tout cela passera et nous le dire chaque jour nous fait mourir toujours un petit peu. Mais nous pouvons ainsi vivre pleinement puisque notre histoire demeure vive dans ce gris inconnu.
Comment ça va ? Quoi de neuf ?