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S’il fallait qu’un jour

18 mai 2025

Un ver d’oreille hante mes tympans depuis deux jours. Il m’arrive ainsi souvent de commencer la journée avec une mélodie extraite de mon subconscient, musique qui, je ne sais quand, s’ancra dans ma mémoire pour des raisons obscures et qui surgit plusieurs années plus tard, sans que j’identifie la cause de sa résurgence.

Ce matin-là, j’ai aussitôt fredonné l’air, et l’émotion me fit taire, les larmes aux yeux, ce qui me subjugua. Puisque cette chanson ne voulait pas me quitter, je l’ai recherchée ce matin sur YouTube pour l’entendre dans son entièreté.

Je l’ai écoutée plusieurs fois, dans son original, puis dans une version où Marjo, vieillie, l’interprétait avec autant de simplicité.

S’il fallait qu’un jour, la vie t’arrache à moi…

C’est une de ces chansons douces-amères prenant son envol dans le terreau de la tendresse, aplanies par des douleurs que l’on a tous vécues, qui expriment la résilience de l’amour sans pour autant occulter les blessures du passé.

Je ne sais trop pourquoi cet air insiste soudain dans mon cœur. Je crois que c’est parce que j’ai beaucoup aimé et que j’aime encore. Toutefois, je n’accepte pas la promesse qui y est faite, soit qu’il faut mourir devant la trahison ou le destin.

Je n’ai jamais désiré la mort parce qu’on s’éloignait de moi. Peut-être que ce que je crois être de purs sentiments n’est, en réalité, qu’une satisfaction égoïste… et que j’arrive à m’en passer, même si je suis devenu un adulte.

Pourquoi, pourtant, pleurer alors? Pourquoi cette fragilité soudaine?

J’émets l’hypothèse orgueilleuse que mon cœur est d’un feu intense, chevaleresque. Que ma passion est ma noblesse? Comme toujours, je n’arrive pas à m’identifier, à me dompter.

Je crois que je demeurerai jusqu’à ma mort un naïf, un enfant malhabile, qui pleurera toujours lorsque ses espoirs sont, encore une fois, confondus.

J’aurai tout de même réussi, il me semble, j’en fonde un espoir fragile, à cultiver de beaux jardins. Le bonheur est, semble-t-il, une triste tisane à savourer lentement, tel un poison de jouvence.

Illustration : Midjourney