Je me suis acheté une chaise longue. Ça et l’achat de ma planche à repasser il y a deux semaines, cela semble être le signal que je commence à m’installer vraiment dans ma maison, après quatre ans et demie...
Bien que je demeure près de l’autoroute métropolitaine et que mon voisinage n’est pas ce qu’il y a des plus bucoliques, j’ai tout de même la chance d’avoir des copropriétaires jardiniers et je jouis de l’ombre d’un grand frêne. Les oiseaux pullulent (mes voisins ont installé dans leur jardin une fontaine dans laquelle les oiseaux se baignent et s’abreuvent). J’entends et vois ainsi une nature bien installée en zone urbaine.
Mes travaux de rénovation vont lentement mais sûrement. Il fait encore chaud, j’ai quelques argents devant moi, juste assez pour me permettre un peu plus de confort, quelques folies et espérer de pouvoir terminer, justement, cette troisième phase de bricolage.
Cette chaise longue arrive au moment où paraît en ligne Les Années-rebours. Une renaissance électronique puisque ce roman, et les deux précédents sont épuisés. Je suis à relire L’Effet Casimir que je me promets de proposer également en format électronique très bientôt. Je corrige les coquilles, enlève ici et là quelques phrases, n’en rajoute cependant pas. Le début de ce texte m’émeut, je retrouve ces personnages sympathiques qui sont, à bien y penser, les multiples facettes de ma vie: l’amant écorché, le bon vivant, le craintif, l’écrivain luttant contre son manque d’inspiration, l’infidèle artiste, et aussi l’homme qui a trouvé son nid, qui s’est entouré de gens qui le calment, le nourrissent. Je me sens aimé et plus qu’on pourrait le penser. Je rêve d’un lieu comme celui qu’habite cette vieille Marthe, aux abord d’un fleuve qui se perd déjà dans la mer.
Dix ans séparent L’Effet Casimir des Mailles sanguines. À relire le premier, je m’aperçois des mêmes tics, des mêmes thèmes. Nous sommes comme ces arbres qui prennent racine et qui se contentent de cette vie à laquelle ils cherchent à donner toute leur amplitude.
J’aime cette chaise longue. J’y ai bien passé deux heures ou trois heures par jour, ce weekend. Je prends enfin le temps, je bénéficie de ce luxe du travail accompli. Je ne peux certes m’endormir sur cette trop fine couche de lauriers, mais, en ce moment, je regarde le frêne danser, immobile comme un drogué heureux, des oiseaux sans couleurs à ses branches, tandis que, par les antennes de mon ordinateur portable, des courriers nerveux tentent de s’introduire dans mon rêve.
Je rêve, n’est-ce pas ?