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Traduire?

12 avril 2014

Je discutais de mon roman, hier soir, avec un choriste, en attendant d’aller en scène avec Ganymède. Étant anglophone, cet ami me demanda pourquoi je ne faisais pas traduire mes romans ; j’aurais sans doute plus de chance d’obtenir quelques succès ou argent.

Je lui ai souri et répondu : « À un dollar les quatre mots, l’investissement n’est pas au rendez-vous » et à moins que les gouvernements, avec leur charité bien particulière, n’acceptent de subventionner l’opération, mes textes demeureront là où ils sont, dans leur solitude de pauvre.

Tout de même, et toujours piqué au vif par ce genre de question, j’ai été curieux, au retour du concert, de compter le nombre de mots de mon dernier-né. Un peu plus de quatre-vingts-milles, genre vingt-cinq-mille dollars pour la traduction. Mon calcul est peut-être inexact, mais il résume tout de même la barrière érigée contre une telle entreprise.

« Tu pourrais le traduire, je te corrigerais » avait suggéré l’ami. Ce n’est pas la première fois qu’on me lance cette idée. Mais un roman, ce n’est pas un livre de recettes ou un manuel technique. Chaque langue possède son rythme et déjà que je tente de naviguer dans les sensibilités du français, comment, moi le baragouineur d’anglais, pourrais-je prétendre retrouver la même ferveur dans cette belle langue faite de « w » et de « th »?

Rien n’est impossible, me répondra-t-on. Certes, mais j’aimerais vous y voir. Et à tous les baratineurs de quand-on-veut-on-peut, je présente silencieusement ce doigt d’honneur qui fait tant plaisir en d’autres circonstances.

Je dirai ceci. Il est trop tard, mais cela n’a pas d’importance. Je vais commencer par ne pas me marcher sur les pieds, par terminer une à une les tâches qui m’incombent. Je vais commencer par m’enlever chacune de ces épines qui m’irritent la plante des pieds. Ce sera déjà heureux si j’atteins ce confort d’être un poète libre.

« Mais... », me direz-vous.

Non, non... taisez-vous, je vous en prie. Ne voyez-vous pas que mon bonheur ne se commande pas ? Il attend son printemps ; il creuse, tel un perce-neige, la croûte froide de la vie. Après tout, il n’est lui-même qu’une fleur, prisonnier à jamais de sa courte saison.