J’ai passé la semaine à réviser le roman. Ce texte, c’est comme de la pâte à croissant. On l’étire, l’aplatit, ajoute du beurre, le replie. Tout s’uniformise et, au final, on espère qu’il gonflera, sera appétissant.
Les corrections de mon éditrice ont été rigoureuses au point d’y aller, çà et là, de coupes sévères. J’ai tout accepté les corrections notées dans le logiciel de traitement de texte avant d’entreprendre moi-même cette dernière lecture, en essayant de faire abstraction de ce que je connaissais du texte. Ainsi, sans aucun repère, sans aucune marque de commentaires ou de corrections, j’ai pu voir ce qui était devenu naturel, coulant et ce qui, parfois, ne l’était plus.
Le regard et les gestes d’un correcteur externe peuvent être à la fois efficaces et inappropriés. À certains endroits, j’ai noté tout de suite qu’on avait enlevé une partie de mon souffle. Je suis retourné voir le manuscrit original, ai compris, réfléchi, décidé si j’acceptais ou refusais.
Ce travail fut pénible, non pas pour mon amour propre, mais parce que je commence à avoir du mal à apprécier ce que j’ai écrit. L’accouchement de ce texte fut difficile; j’ai l’impression d’accoucher par césarienne depuis deux ans. Je n’ai plus les yeux, la patience pour aimer ce texte. J’y vois tous mes défauts, mes faiblesses et aussi mes qualités.
Tout le monde me dira que c’est normal. Je le sais moi aussi pertinemment. J’ai enfin déposé mon crayon. À tout le moins, pour ce texte. Si tout va bien, la prochaine fois que j’aurai à l’approuver, ce sera sous forme de livre prêt à être envoyé chez l’imprimeur. Inchallah comme le dit un ami algérien. À la grâce de tous les dieux.
Et pendant ce temps, l’automne m’apaise.