J’ai appris ce matin que deux de mes grands amis ont un froid, une sorte d’essoufflement de leur camaraderie. Le premier aurait blessé le deuxième pour, en fait, peut-être un petit rien, et le second d’exprimer sa douleur aurait à son tour blessé le premier. Analysé de l’extérieur, on pourrait facilement rire de la situation, alors qu’on s’aperçoit que le malaise est tout de même là et qu’il aura fini par égratigner le vernis.
J’ai le réflexe de ne plus m’en faire avec ça. Une relation d’amitié n’est pas différente d’une relation de couple, et il faut du courage parfois pour mettre son pied à terre et insister pour demeurer soi-même, même s’il faut, on le sait tous, prendre avec de gros grains de sel nos prétentions à l’originalité de nos besoins en la matière.
Mais parfois, il est vraiment nécessaire de se protéger, de dire que ça ne va pas. Et quand on n’y réussit pas, notre jardin intérieur se referme, tente en même temps, avec désespoir, de conserver une flamme qui s’éteint pourtant inexorablement, faute d’air frais. Perdre un ami n’est pas si grave ; il n’est, après tout, que l’un de ces nombreux navires qui accostent et qui repartent. Notre plaisir était certes de revoir ses voiles à nouveau à l’horizon, mais soyons honnêtes, nous naviguons nous aussi, nos voyages nous sculptent différemment.
J’ai rencontré dans ma courte vie plusieurs gens. J’en connais beaucoup et peu. Pour être honnête, ils ne m’intéressent plus et ce n’est pas leur enlever leur valeur. Ma cervelle n’est pas immense et mon coeur y est déjà à l’étroit. J’apprends à ne pas tout donner, je cherche tantôt seul, tantôt accompagné, à m’épanouir.
Rien n’exclut la solidarité, rien n’oblige ces amitiés, ces amours parfois fragiles à s’éteindre. Il faut du travail en tout, et s’il est un domaine où l’architecture n’use pas de plans, c’est bien celui de la relation humaine. Ne nous étonnons pas alors quand la porte ne ferme plus ou que l’édifice s’effondre. On a le choix de recommencer et même d’y trouver un plaisir très zen à redécouvrir l’autre.
Mais du courage, bon sang, il en faut pour faire fructifier notre âme. D’abord et avant tout. N’oublions pas que, au plus profond de nous, notre nature est celle de l’animal qui veut vivre et se projeter dans le temps. Notre égoïsme, notre démon intérieur, comme le dit une belle chanson, est parfois notre meilleur ami. Et bravo à ceux et celles qui arrivent à larguer les amarres pour ensuite décider de les nouer, de nouveau, à la corde d’anciennes ou de nouvelles sirènes.