en

Les paradis artificiels

3 décembre 2011

La discipline de la marche matinale se transforme peu à peu en une nécessité. En posant les pieds dehors, il me prend une envie d’y passer la journée, d’emprunter un chemin, aller droit devant sans me retourner, comme si mon passé me changerait irrémédiablement en un sel emporté par le vent.

Ma marche est plus rapide et, telle une bulle qui se rue vers la surface pour y mourir, je consomme de la distance. Il faut dire que, de un, j’ai soif de nouveau, de deux, j’ai simplement besoin de vacances. Et, de trois, j’ai besoin de me laisser emporter par des phénomènes magiques.

Je pourrais bêtement m’enivrer, mais je n’ai jamais vraiment supporté ni les drogues, ni les alcools et mon médecin m’avertit de modérer ma consommation déjà fort anodine de vin. Comme l’aurait dit Baudelaire, on n’a pas vraiment besoin de drogues pour créer (je n’ai pas lu Les Paradis artificiels et il m’a fallu visiter Wikipedia. Je pensais qu’il s’agissait d’un poème. Je suis d’une inculture...).

La cervelle du créateur contient déjà une pharmacopée enviable de fluides imaginaires. Une altération trop grande de sa conscience l’emporterait certes un temps vers des contrées insoupçonnées et ce voyage pourrait l’inspirer une vie durant, mais pourrait tout autant l’acculer contre le mur du néant. Bien peu peuvent regarder en face le néant. Je ne sais si j’en suis capable, même si je le désire ardemment et même si j’en rêve souvent.

Je marche alors. J’observe s’appesantir les dernières plantes à avoir résisté jusqu’ici au froid, j’observe sans rien dire les pigeons qui se tiennent tranquilles au-dessus des grands boulevards, je marche, je presse le pas, je cours ainsi après mon souffle et mon inspiration. Je me demande bien ce que j’ai à écrire maintenant. Écrire ce blogue n’est peut-être pas encore une nécessité. J’ai beau paraître zen; en moi, les volcans s’entrechoquent. C’est un cliché de mon imaginaire. Le silence est aussi une marche. La pente, cependant, sur ce chemin, est si abrupte.