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Les travaux de ma mère

25 janvier 2025

J’ai terminé de numériser ce que je trouvais être l’essentiel des albums souvenirs colligés par ma mère. J’en ai profité alors de mettre à jour le site familial.

J’ai rencontré maman à quelques reprises, ayant apporté mon numériseur et mon ordinateur. Cela nous permettait de faire le tour des photos, de les commenter. Comme je l’ai dit dans un autre billet, je ne suis pas celui qui me rappelle le plus de mon enfance, voire de mon adolescence. Ce travail de numérisation m’a ramené dans ce passé que d’autres m’ont décrit.

Me voir, de la naissance à l’âge adulte, a un effet dont je n’arrive pas à saisir tout à fait la nature, la raison ou la signification. Ce qui me frappe surtout est la puissance de la mémoire de ma mère.

On a discuté un peu de tout, de sa rencontre avec papa, de son voyage de noces qui, à l’époque, et parce qu’ils n’étaient pas très argentés, s’était limité en une virée très courte de quelques régions du Québec. Des remarques, çà et là, me rappelant que ma mère avait trimé dur pour nous élever.

En pointant quelques photos de moi:

— C’est moi qui faisais vos vêtements.

— Tous?

— Oui, même les manteaux d’hiver, nous n’avions pas beaucoup d’argent.

— Mais ce sont de beaux vêtements!

— Bien sûr, tu le sais que j’ai toujours aimé les belles choses.

Ou, parlant des lunchs à l’école :

— Je vous faisais des repas chauds tous les jours. Vous aviez un thermos chacun.

— Quoi??

— Les autres étaient jaloux de vos lunchs.

Je me sentais un peu coupable de n’avoir rien retenu de tout cela. Mes sœurs semblent avoir plus de mémoire que cela.

Quoi qu’il en soit, ces quelques révélations me font réaliser tout l’effort requis nécessaire à faire de nous ce que nous sommes. Si, bien sûr, nous demeurons responsables de notre destinée, elle aurait sans doute été mal prise en charge s’il n’avait été de l’effort de nos parents, du rire de papa aux mains habiles de ma mère.

Tout est dans tout, comme on dit.

Je demeure absorbé par certaines photos. Ce regard fier de mon père, nous tenant dans ses bras. Cet autre regard de ma mère, dansant, regardant l’objectif de la caméra l’air de dire: c’est ma vie et j’en suis heureuse. Et lui, c’est mon homme.

Ce n’est pas tant un coup de vieux qui me rattrape, mais une joie indéfectible d’être en vie et d’avoir été aimé par ce couple. On ne célébrera jamais assez souvent ce luxe douloureux que nous avons d’avoir conscience de notre existence et de notre finalité.

En ces temps perplexes, en cette année où tout pourrait se décider selon les astrologues, tâchons d’être reconnaissants de notre présence sur cette petite planète et ne perdons jamais un moment pour exprimer notre bonheur d’être avec ceux qu’on aime.